Le picard n’échappe pas à l’actualité bouleversée de la fin d’année 2001. Ch’Lanchron, avec notre langage régional comme seule arme, franchit le pas des interrogations internationales pour exprimer ses craintes ou apporter une explication locale. La force des dessins et leur humour font écho aux contributions de Jacques Dulphy, Jean-Luc Vigneux Jean-Bernard Roussel ou David Lefèbvre.
En contrepoint, pour éviter le repli culturel, Edwige Fontaine (la vice-présidente des Picardisants du Ponthieu et du Vimeu), ouvre notre univers aux coutumes tribales du Sénégal auxquelles elle a assisté. Joies et frayeurs des générations se mêlent durant les nuits de "monction d’leune" (lunaison). La bière de mil, les sabres, et les danses laissent une heureuse fatigue dans la mémoire des participants et dans celle du maristér venu en coopération. Dans Ch’Lanchron, la langue n’est pas un obstacle aux rapports entre civilisation, mais elle demeure une barrière ouverte à leur connaissance mutuelle.
Les inondations du printemps et leurs conséquences imprègnent toujours l’inspiration des picardisants. Ici une supplique "pour qu’él Sonme a n’és saque pu d’sin lit", est lancée depuis Amiens par Claude Marceau. Là Gilles Toulet (Bettencourt-Rivière) esquisse un dialogue querelleur sur le thème "chés ieux pi chés profiteux". Alain Pruvot (Gorenflos) se rapproche des sinistrés et leur apporte courage avec "No Somme épardoére".
Picard d’ici ou de là bas
Le picard connaît aussi ses peines. La disparition de l’Artésien Raymond Coudert est évoquée au travers d’un texte récent "L’euro", qui joue sur les monnaies d’hier et de demain. Il est aussi rendu hommage à une figure amiénoise, Christian ch’gardinnier, le chroniqueur de radio, et fin connaisseur de nos jardins et des hortillonnages qui disparut brutalement en octobre. Ch’Lanchron nous propose une rencontre dans son écriture picarde, qui reste pétillante, comme l’étaient ses interventions à Radio-Picardie.
Au-delà du dialecte de la Somme, Roland Dussaussoy nous donne les accents de l’Audomarois (région de Saint-Omer) avec "inne mauvaise nouvelle", où la jeune Bertille annonce à ses parents qu’elle attend "un pouchin d’haïure" ! En Hainaut, aux confins de la Flandre, Gérarda Vanhuffet chante "j’arou volu..." en nous invitant visiter le pays des Collines où "no n’avons rî garchené" ; ici nous dirions, "o n’ons rien gadrouillè".
Échl osiére du Boéle
Un reportage au Boisle donne à Marc Sellier (ch’maire éd Neuli) le prétexte à un exposé du vocabulaire de l’osier. Les méthodes de culture, la technique de fabrication qui aboutira à un "boéssieu" ou à une nacelle de montgolfière, est détaillée. L’bile, ch’bérlonage, ch’débiltage, chés patchets à l’ieu, un ploére, sont autant de termes appliqués à un outil, une phase du travail, ou un état de l’osier, que le picard explique avec une merveilleuse précision. La photographie de couverture de Ch’Lanchron 85 nous avait laissé auguré de l’authenticité de ce documentaire.
Plus loin, une nouvelle de Jehan Vasseur (Nibas) narre avec esprit et malice une séance de coupe de cheveux, vécue à domicile, où la mode de la brosse ne faisait pas bon ménage avec la tondeuse du coiffeur. Ne manquez pas "eune histoére d’égveux" en pages centrales de Ch’Lanchron !
Fidèle à l’éclectisme de la revue, Ch’Lanchron 85, vous propose aussi ses chroniques habituelles (jeux littéraires, "clognon", actualité) et deux pages de revue de presse des publications picardes récentes.