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Léopold Devismes, une mémoire centenaire
Léopold Devismes est né à Bouillancourt-sous-Miannay, hameau de Moyenneville (Somme) le 16 octobre 1912. Un de ses premiers souvenirs d’enfant est d’avoir entendu le son du clairon, le soir du 11 novembre 1918, dans son village. Il venait tout juste d’avoir six ans.
Curieux de tout, à commencer par la nature qui l’a entouré dès son jeune âge, Léopold Devismes a conservé en mémoire la vie des humbles dans ce qu’elle a de plus frustre : leurs travaux pénibles, rarement valorisés dans le monde moderne. Il a refusé d’effacer les gestes et les paroles des « vieux » rencontrés dans sa jeunesse. Par son écriture, il a tenu, au contraire, à en décrire tous les détails. Le contraste entre hier et aujourd’hui n’en est que plus saisissant, quand ces tranches de vie sont retranscrites dans leur langue originelle : le picard.
Depuis près de quarante ans, Léopold Devismes a raconté dans de multiples récits les métiers, les coutumes perdues, mais aussi l’apport des lois sociales et le bien-être d’une époque devenue ensuite plus confortable. Ses textes ont souvent été publiés dans Ch’Lanchron (et ailleurs aussi). L’association des Picardisants du Ponthieu et du Vimeu, dont il est le président d’honneur, lui a fait cadeau, pour son centième anniversaire en octobre dernier, d’un livre sobrement intitulé « Chint ans » dans lequel on retrouve ses souvenirs favoris et aussi quelques inédits. À son tour, Ch’Lanchron fait une large place au jeune centenaire en publiant dans son trimestriel huit autres textes eux aussi inédits.
Depuis la naissance de son second fils, en pleine Seconde guerre mondiale (« Inne naissance difficile ») jusqu’à l’apprentissage des « corps d’états » (métiers artisanaux), en passant par quelques expressions picardes et autres « surpitchets » (surnoms), c’est un régal de littérature, tant sur le fond que sur la forme, qui nous est livré. Car la langue conservée par Léopold Devismes est richissime. Le verbe est imagé. Chaque propos est souligné du mot juste, souvent rare, dont le sens prend parfois une couleur si précise rendant toute tentative de traduction périlleuse.
Chaque anniversaire de Léopold Devismes est ponctué depuis quelques années d’une cérémonie amicale, entre Picardisants, pour laquelle est composée une chanson spéciale. Ch’Lanchron nous permet aujourd’hui de retrouver les derniers épisodes en publiant les couplets adaptés par Edwige Fontaine, la présidente du groupe basé à Abbeville. D’autres hommages sont rendus à Léopold Devismes dans les pages de Ch’Lanchron 128… C’est ici un compliment écrit par Jean-Luc Vigneux, ou là une fable transmise par Jean Leclercq. L’amitié et le plaisir d’être ensemble, se lit entre ces lignes. Léopold Devismes a su les apprécier, et ce sont autant de nouveaux souvenirs qui accompagnent maintenant sa centième année.
Ce Lanchron, je lui trouve comme un petit goût de pomme…
Dès la couverture, Ch’Lanchron annonce le goût et la couleur : la pomme ! C’est que Léopold Devismes avait aussi à raconter autour du fruit emblématique de notre Picardie. Ramassage, fabrication du cidre, distillerie ou description des paysages sont autant d’étapes incontournables de chez nous. D’autres auteurs se joignent à lui pour célébrer la pomme. Micheline Waquet (Ailly-le-Haut-Clocher, 80), nous permet de déguster quelques variétés locales. « Chés Tétes éd cot », bitaclées d’rouge et pi d’ganne, et chés « Transparintes éd Croncel » ne nous mettent-elles pas en appétit ?
Le rythme de l’automne, et plus précisément du mois d’octobre, est transmis par Jean-Luc Vigneux (Abbeville, 80) dans une poésie libre simplement intitulée « Octobe, moé d’chés peumes ! ». Du hochage des fruits mûrs à la sortie de la bouteille de goutte du placard, tout l’univers joyeux et laborieux des dimanches de ramassages de pommes revit dans ces lignes-là.
En picard au revoir se dit « adè »
Ces dernières semaines auront été marquées par la disparition du professeur Jacques Landrecies. Le linguiste lillois, ardent défenseur de la cause de l’enseignement du picard, critique littéraire à l’argumentaire redoutable, est décédé le 17 janvier. Outre ses qualité indéniables de chercheur, ses amis garderont le souvenir de son autre facette, plus intime, celle d’un humaniste à la gaité communicative. Un rappel de ses principales communications (dont la dernière remonte à la fin de 2012) clot l’hommage qui lui est rendu par l’équipe de Ch’Lanchron.
Un auteur picardisant s’en est allé, lui aussi en janvier. Il s’agit de Gilles Toulet, alias « Ch’Grand Gilles ». Auteur picardisant révélé par Ch’Lanchron, plusieurs fois remarqué dans les concours littéraires, Gilles Toulet possédait également un talent d’écrivain en français (avec deux romans publiés). Son écriture picarde alliait la psychologie à la truculence des personnages. La langue du val de Somme, entre Béttencourt-Rivière et Fontaine a trouvé toute sa saveur dans les contes et les nouvelles laissés par Gilles Toulet. En quelques lignes rédigées juste avant le bouclage du trimestriel, Ch’Lanchron salue l’ami disparu. L’article est accompagné d’une récente poésie à deux voix due à ch’Grand Gilles : « Mi… ou ch’miloér ? », où le thème de la vieillesse figure en filigrane.
Retrouvez, comme à l’accoutumée, toutes les rubriques habituelles de Ch’Lanchron… et surtout appréciez-les une dernière fois. L’équipe rédactionnelle nous annonce en fin de ce volume 128 une refonte complète de la revue pour le printemps. Serait-ce qu’en picard on annoncerait le renouveau plus vite que la météo ne semble vouloir le faire ? La surprise sera dévoilée en avril 2013.
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