Ch’Lanchron 153
Parution : avril 2018
Prix de vente : 3,50 €
Directeur de publication : Jacques Dulphy
Rédacteur en chef : Jean-Luc Vigneux
|
Le contenu de Ch’Lanchron 153
• Édvant d’écmincher : Chés reuves éd 68 (éditorial)
• 1916 : chés pu viux inrgistrémints d’picard (article, Jean-Luc Vigneux)
• In moai, chatchun i foaisoait conme a li cantoait ! (article, Jean-Luc Vigneux)
• Lette à min cousin Polyte (19 mai 1968) (Gaston Vasseur)
• Lette à min cousin Polyte (26 mai 1968) (Gaston Vasseur)
• Lette à min cousin Polyte (2 juin 1968) (Gaston Vasseur)
• Lette à min cousin Polyte (9 mai 1968) (Gaston Vasseur)
• Lette à min cousin Polyte (16 juin 1968) (Gaston Vasseur)
• Lette à min cousin Polyte (23 juin 1968) (Gaston Vasseur)
• Lette à min cousin Polyte ( 30 juin 1968) (Gaston Vasseur)
• Histoéres éd vaques (bande dessinée, Jean-Bernard Roussel)
• Un nmi-sièque… (évocation, Jean-Pierre Calais)
• Éch pouvoér éd maginer… in 2018 (dessins de Jean-Michel Delambre, Bernard Sodoyez, Jean-Luc Vigneux, Serdu, Didier Trotereau et Jean-Bernard Roussel)
• Min grand (réflexion contemporaine, Jean-Luc Vigneux)
• Moai din chés rues (poème libre, Jean-Luc Vigneux)
• Ch’ratro à Gadrouille (article)
• À vous d’VIR achteure ! (article)
• Anonches picardes éd chés troés moés à vnir (rendez-vous et agenda)
• Éj sus d’moai 68 (dessin de presse, Serdu)
• Ch’clognon à Gadrouille (reportage, Alexandra Mauviel)
|
|
Cent ans de picard enregistré
Aussi incroyable qu’il puisse sembler, les tous premiers enregistrements en langue picarde ont été réalisés il y plus de 100 ans !
Au départ, le projet linguistique et culturel porté par Wilhem Doegen était antérieur au déclenchement de la guerre : il s’agissait pour une poignée de chercheurs prussiens de collecter « toutes les langues du monde » et de les enregistrer sur des rouleaux ou des disques. La technologie était des plus modernes. Le dossier fut accepté par les autorités culturelles prussiennes en 1915. Les moyens employés furent méticuleusement scientifiques de bout en bout. L’arrivée des hostilités et la présence dans les camps de prisonniers de soldats venus des 4 continents permit de rassembler quelques 250 langages dans plus de 2600 enregistrements ô combien précieux aujourd’hui. Parmi ces pièces conservées et numérisées dans l’université de Berlin, figurent cinq Picards.
Alertée par l’existence de ces archives, l’équipe de Ch’Lanchron a remonté la piste de ces 6 premiers locuteurs enregistrés dès mai 1916. Chacun des soldats a été précisément identifié, localisé, et sa vie civile ou militaire a été retracée. Le tout premier Picard fut Georges Dupont, originaire de Moreuil (Santerre), né en 1893. Clerc de notaire de métier, il est en captivité à Göttingen quand il enregistre le 6 mai 1916 en fin de matinée une lecture de la chanson « Barnum », rien moins ! Comme ses congénères, il contribue à l’exercice linguistique mis au point par Wilhem Doegen : le soldat doit réaliser une traduction personnelle de « La parabole de l’enfant prodigue » qu’il enregistre ensuite. Mais c’est cette interprétation a capella de Barnum qui retient l’attention. Célébrissime chanson, encore interprétée régulièrement en 2018, le texte est dû à l’auteur picardisant Louis Seurvat, qui n’est autre, en cette période des années 1910, que le notaire d’Ailly-sur-Noye, où est embauché Georges Dupont en tant que sténographe. Venus de Maison-Roland (Ponthieu), de Béthune (Artois), du Ronssoy (Vermandois), de Flines-lès-Raches (Douaisis) ou encore de Landrecies (Hainaut), Ch’Lanchron 153 vous apportera tous les détails recueillis sur ces improbables 20 premières minutes d’enregistrements de locuteurs picards pendant la Grande Guerre.
Comme un air de mai
L’arrivée du printemps 2018 marque, on le sait, l’anniversaire des cinquante ans des mouvements de mai 1968. Ceux qui ont eu l’idée de créer Ch’Lanchron vers 1978 ont à leur manière réalisé l’impossible : rédiger et publier un journal « tout en picard ». Cette folie est un zeste de l’esprit de 68 qui a germé dans la tête de ceux et celles qui n’avaient guère plus de 9 ou 10 ans sur leurs bancs d’école primaire à cette époque-là. Ainsi, Ch’Lanchron 153 s’est-il mis en quête de donner un air de mai à ses pages. BD ou nouvelle, souvenirs retrouvés ou témoignages, et surtout dessins et slogans s’enchainent dans la revue.
C’est Gaston Vasseur (Nibas, 80) qui ouvre le banc avec la reprise de sa chronique « Lette à min cousin Polyte » des semaines de mai et juin 1968. Nous sommes replongés en direct dans les événements. Les articles ont été rédigés avec un regard provincial, sans véritable recul ou analyse. Ils expriment une perception sceptique, voire conservatrice, des mouvements parisiens. On est ici dans cette France qui remplissait ses placards de victuailles… davantage par méfiance, davantage que par prévoyance.
« Mai », mais avec de belles signatures !
Le dessin n’occupe pas moins de quatre pleines pages du journal picard. L’inspiration vient des murs. De ceux couverts d’affiches soixante-huitardes relues à la lumière d’aujourd’hui. Bernard Sodoyez (ex-élève de l’École des Beaux Arts de Paris à l’époque), Jean-Michel Delambre (devenu titreur et dessinateur au Canard Enchainé), Serdu (le crayon belge du Tournaisis), Jean-Luc Vigneux et Jacques Dulphy (co-créateurs de Ch’Lanchron), Didier Trotereau (Ch’Trote pour les initiés), et Jean-Bernard Roussel (Jibé) s’en donnent à crayon-joie et jouent avec les slogans, les images, la BD. Chacun à sa manière relègue la nostalgie dans le vieux monde. Les 50 années qui nous séparent de 1968 ne nous éloignent pas de la réflexion : leurs regards sont actuels et se conjuguent au présent. Une vingtaine de dessins originaux et inédits ont fleuri sur les pavés picards de ce printemps 2018. Autant d’images à découvrir et à regarder en profondeur.
1968-2018 en deux approches
Le témoignage-reportage de Jean-Pierre Calais (Tchot Phane) est rapporté depuis d’Institut Henri Poincaré où un poste avancé de la Croix Rouge a été installé en catastrophe. Avec lui, nous sommes bel et bien au Quartier Latin pendant les événements de mai 68. L’article sent le lacrymogène dans la rue, mais rencontre Raymond Queneau venu écouter les propos libertairement poétiques d’une jeunesse qui cherche sa place.
Quelques pages plus loin, à son tour, Jean-Luc Vigneux s’adresse à son fils… Il s’interroge : avoir 10 ans aujourd’hui ou avoir 10 ans en 68 ? Quelle liberté a été gagnée ? L’enfant devenu parent perçoit le monde sous un autre angle, celui de la responsabilité et de l’angoisse. Autrement dit : l’utopie est rattrapée par la réalité.
Ch’Lanchron n’est-il pas en lui-même une forme d’utopie qui s’ conrétisée et qui, de ce fait, est soumise à des contingences ? Ce qui n’empêche personne de rêver… en picard !
|
|
|
|