Le cycle annuel picard n’a rien de spécialement original. Coincé entre les cadeaux de Noël et les blagues du premier avril, Ch’Lanchron nº 55 (qui vient de paraître) n’y échappe pas. "Boin-temps, bieux jours, aprézeut, courts-jours" et ensuite retour à la case départ. Perpétuel recommencement !
À l’approche du printemps, le Picard abandonne bientôt les veillées (chés séries), où la famille se retrouve autour de l’âtre. Dehors le vent est froid, et c’est l’heure de renvoyer coucher les chats dans la grange. Armel Depoilly (de Dargnies, Vimeu) nous remémore ces heures de l’hiver.
Puis Georges Courcol sort sa plume pour Ch’Lanchron. L’infatigable animateur vedette de matinées patoisantes, nous raconte aujourd’hui "ch’réveillon à Bébert", dans son picard de l’Amiénois, qui nous porte vers sur les sentiers de l’émotion.
Un grand tour de Picardie
Un tour du domaine picard est brossé avec les histoires de Philippe Lobjois du Vermandois (avec, ici : "Jédékièn") ; avec le reportage de Guy Dubois (l’Artésien) sur la messe picarde de Wazemmes (près de Lille) ; avec les emplettes de Joël Merlin (Tourcoing) qui n’évitent pas les dernier "pin’s" (chés épiules) à l’honneur de la mine et du charbon ; avec le bon sens encore de Valéry Dècle (Santerre) qu’il ne faudrait surtout pas prendre pour un "inchpè" (quelqu’un qui serait mal pris).
L’Artois maintenant nous amène à la quète "d’à l’dalut". Ces vieilles farces villageoises des nuits d’avril ont donné naissance à une tradition picarde qui nous est décrite par Roger Bourdon.
L’Almanach picard
Mais le plat de résistance de ce numéro 55 de Ch’Lanchron se cache au cœur du journal. Des étrennes nous attendent : l’intégralité du calendrier picard rédigé par Alphonse Pasquier est enfin publiée ! Notre trimestriel picard nous avait déjà fait preuve de tout son intérêt pour le picardisant de Cerisy-Gailly en lui consacrant il y a quatre ans un numéro spécial. Revoici donc Alphonse Pasquier à l’honneur, dans ce cahier de huit pages.
Les mois s’égrainent. Le temps passe. La vie du village est réglèe sur la nature. Les fléaux battent leur "tac tac tac" en février. Pâques fait place à saint-Georges (lo qu’chés files iz ont des capieux rétus). En mai on écoute chés verdiéres qui sifflent. Alors, l’été picard se plie aux lois de la moisson, avant que les hirondelles ne repartent vers l’Afrique. Octobre, c’est le temps de la foire de la Saint-Simon d’Albert, avant que novembre s’assombrisse dans le souvenir des disparus de l’année. Décembre est sûrement le mois le plus attendu : celui des fêtes et des banquets de corporation (Sainte-Barbe, Sainte-Cécile...), et celui où sonnent les douze coups de la nouvelle année qui signent l’arrivée de janvier et du redoux.
Un texte picard limpide, nous parvient de la voix d’un grand-père. L’écriture d’Alphonse Pasquier en a retenu tout le rythme et le souffle. Superbement illustré des sculptures de la cathédrale d’Amiens (les célèbres "quadrilobes" du portail de Saint-Firmin), cet almanach picard nous replonge dans l’époque où la vie prenait son temps. La patience et la ténacité avaient alors forgé la sagesse du paysan de chez nous.
Théâtre, et un "C.D." de canchons !
Autre pièce de choix, que cette suite de monologues écrite par Jean-Luc Vigneux (Abbeville). Mis en scène, ce sketche ("chu tchièn") décline sur le thème de la rubrique des chiens écrasés une critique de l’information. Presse écrite, radio ou télévision, chacun des journalistes est confronté à son interprétation de la dure réalité quotidienne : comment tenir en haleine son auditoire alors que les enlèvements de chiens se succèdent dans la cité ? Rapts, rançons, expériences de laboratoires... toutes les hypothèses sont à l’ordre du jour... Suspense ! Retrouvera-t-on Mirou vivant ?
Une bonne nouvelle est à découvrir en page 13 : les chanteurs de l’équipe sont attelés à la réalisation d’un nouveau disque de "canchons picardes". Une souscription est ouverte pour réserver le C.D. qui comportera 11 titres (80 F l’exemplaire) dont la sortie est prévue en mai.
Enfin, les rendez-vous picards sont notés dans un "arméno" passablement rempli pour les prochains mois (à vos tablettes !). Et le journal se referme utilement encore sur la copieuse revue des dernières parutions régionales. Encore une belle fournée de Ch’Lanchron qui nous est parvenue. Et il s’en annonce déjà d’autres. En effet, appel aux auteurs picardisants est fait pour la mise en page d’un prochain numéro consacré à la Grande Guerre. Dans cette attente, retournons nous réchauffer le cœur de cette livraison parsemée aux quatre saisons !