Au cœur de l’été, le trimestriel picardisant Ch’Lanchron nous propose de faire une grande promenade à travers le parler picard. C’est une véritable moisson dialectale qui est au rendez-vous, et cette récolte 1995 promet de bonnes heures de lecture.
Ils viennent du Vimeu ou d’ailleurs
À savourer "à part soi" ou à partager à haute voix, une vingtaine d’auteurs vous livrent leur production. Ceux du Vimeu côtier sont là : Élisabeth Manier et sa poésie familiale ("Des confitures") ; Armel Depoilly qui a traduit en maître le "dict des trois vifs et des trois morts" depuis les fresques de l’abbastiale de Saint-Riquier ; Jeanne Platel pour un récit songeur et utopique ("i n’y éro point d’raton-laveur") ; Gaston Vasseur, le conteur du "Pécavi" d’une jeune mariée ; Jean Leclercq le reporter de retour du musée rénové de Valenciennes, ou le narrateur du quotidien qui puise son inspiration entre les première et deuxième classes SNCF. Ceux du Vimeu vert qui avec Arthur Lecointe (Allery) racontent les dialogues farceurs de frères ennemis d’un Anglais à un Picard ; ou qui avec Marcel Polleux nous plongent au cœur de la vie rurale de Warlus par le truchement d’anecdotes vécues.
Le Ponthieu est à l’honneur, avec le regard des veillées d’antan de Clément Paillart l’Abbevillois, ou la poésie de Jacques Varlet (de Brucamps), un nouveau venu dans les colonnes du journal. La nouvelle, forme d’expression privilégiée pour notre parler régional s’exprime cette fois par la plume de Jean-Luc Vigneux, dans un texte primé au concours de Tournai (Belgique) : "Solé d’Amont". Un titre qui rime avec cette saison, pour vous porter dans une ballade au frais de notre forêt.
Des histoires de beaux-pères se racontent en Picardie !
L’Amiénois ne saurait manquer de contributions et de talents. En vallée de Selle Pierre Duquet rythme sa pensée en quelques vers libres "chés deux paons su ch’ridieu" ; Pierre Deglicourt chante la modernité et la vitesse "Bzine, avanche !" ; Fernand Pruvot raconte une histoire de beaux-pères (au pluriel !) où le rire n’a rien à envier aux sempiternelles rengaines des belles-mères, bien au contraire. Depuis le quartier Saint-Leu, André Thierry retrace le pèlerinage de son aïeule Man Ia vers la chapelle de Monflières. La tradition veut qu’une vierge protectrice ait été découverte dans ce hameau proche d’Abbeville. Depuis de nombreux siècles l’endroit est devenu lieu de dévotions et de miracles. Man Ia y trouvera après son périple, le prénom de son futur fils. La légende de Monflières nous est par ailleurs détaillée par le menu par Aimé Savary originaire de Beauquesne (Doulennais).
La littérature picarde existe
L’Artois nous fait découvrir Arras grâce à Léon Lemaire, fils du pays. Depuis la région de Saint-Omer, André Accart pose ses yeux dans ceux de la personne aimée pour un poème de tendresse ("Tes zius"). Le Belge Paul Mahieu clôt ce voyage en Picardie linguistique. En quelques phrases brèves et précises il décrit la vie de Rosa-la-rosse, jeune femme vive et pétulante dont l’avenir se noircit au fil des lignes. Il n’est plus possible de douter que la littérature picarde contemporaine existe en tournant cette page venue du Hainaut belge.
L’actualité des publications régionales est passée en revue en fin de volume. Les cassettes vidéo font une entrée remarquée dans le domaine de l’édition (pour le patois de la mine, notamment). Des rubriques émaillent ce nº 61 de Ch’Lanchron : "clognon" ou le clin d’oeil des enseignes en picard ; "à vous d’vir" un jeu photographique ou plusieurs personnes s’essaient à la description (pourquoi pas vous dans 3 mois ?... la porte reste ouverte) ; "chl’arméno à Fifine" ou l’art de maitriser le contrepet picard ; une souscription (une grammaire picarde sera publiée en fin d’année et vous pouvez déjà réserver votre exemplaire) et de nombreuses animations sont également annoncées dans les 44 pages de Ch’Lanchron, qui porte sans une ride ses 15 ans et toute la jeunesse du dialecte picard.