Ch’Lanchron se lance par ailleurs dans une campagne de promotion de la signalisation routière en picard. Le journal et ses animateurs avaient déjà par 2 fois (en 1983 et 1985) réalisé des rétoérs picards (traductions) de panneaux pour une quarantaine de communes du département de la Somme. Mais depuis cet été 1995, la dernière survivante de ces pancartes a été déposée à Yonval (Yonvo, en picard) près d’Abbeville (80). Une demande d’audience est donc déposée auprès du président du Conseil Général de la Somme afin d’obtenir un doublage officiel des panneaux au long de nos routes.
Les lecteurs de Ch’Lanchron sont invités à appuyer cette proposition. La Bretagne, le pays basque ou la Catalogne (et bien d’autres) affichent leur différence, et s’enrichissent de leurs racines. Alors pourquoi pas nous ? demande la sympathique revue.
Pour son premier numéro de l’année, Ch’Lanchron poursuit son voyage dans le parler picard et nous invite à le suivre. Les rendez-vous de l’actualité dialectale ne manquent pas : un festival "Pic-Art" à Tourcoing en février ; un concours de nouvelles à Saint-Quentin (02) ; quelques "clognons" (clin d’oeil) par ci par là, dont l’un dédié aux Cabotans d’Amiens ; des spectacles picards, etc. Les amateurs de picard seront "raforès" (gavés) jusqu’aux beaux jours !
L’actualité picarde exige aussi que place soit faite aux défenseurs du picard qui viennent de disparaître. Ainsi dans l’ouest du département de la Somme, c’est Michel Dominois qui est commémoré à travers l’un de ses textes en prose Él mére Choumaque, tandis qu’en la capitale régionale, c’est à Michel Crampon que l’on rend hommage. Le professeur de faculté, président de la société Éklitra, et ardent défenseur de note culture vient de nous quitter en janvier. C’est un homme de terrain et aussi la référence universitaire qui laisse un vide, ressenti par les Picardisants.
L’actualité est aussi marquée de publications. Deux nouveaux bulletins sont annoncés dans Ch’Lanchron : celui de Toudis à Lille (qui honore le prolifique auteur Simons), et celui des Harchelles à Longuenesse (62). Est également signalée l’achèvement de la réimpression intégrale des œuvres de Mousseron (le père de Cafougnette) à Denain (59). Dans l’Oise, c’est la poésie de Philéas Lebesgue qui est passée à la loupe de François Beauvy en étudiant la dimension du paysage dans ses vers.
Navette, alouette et abeille
Quelques moments de bonheur nous attendent au fil des pages du trimestriel. À chacun son goût... par exemple, nous trouvons dans Ch’Lanchron des histoires comiques ("i n’feut point gadrouiller ch’pain" ou "un boin bidet" qui nous viennent de deux auteurs de Nibas, Vimeu). Les souvenirs de Marcelle Goffinont nous rappellent les tisserands "d’imballe" (grosse toile) de Saint-Maulvis (80), et la légende minière du "pain d’alouette" de Guy Placard (Valenciennes, 59) évoque le père qui ramenait du fond de la fosse ce bout de pain précieusement mis de côté pour son fils. Léopold Devismes (Bouillancourt, 80) nous explique en détail la manière de cueillir un essaim de "ruques" (abeilles) en urinant dans un panier chauffé... Avis aux apiculteurs !
La chansons, la poésie sont illustrées par Élisabeth Manier d’Escarbotin) ou Jean-Luc Vigneux (Abbeville) dont l’un des textes Blanqué nuit vient d’obtenir le premier prix de littérature picarde à Tournai (Belgique), qui était attribué à une lettre d’amour.
Aux rimes succèdent le dialogue de Lafleur (mis en voix par Mireille Petit, d’Amiens) pour un emploi du temps en forme de leçon de générosité.
Quelques pages de littérature
Un chômeur reprend goût à la vie en revenant dans son village natal, voilà le thème de cette rencontre écrite par Jean Leclercq (Bienfay, 80). L’auteur nous plonge dans un parler picard conjugué au présent de l’indicatif. Et Ch’Lanchron annonce pour ce printemps la sortie de son roman Chl’autocar du Bourq-éd-Eut, nous y reviendrons dans une prochaine édition.
À Thérouanne (62), c’est André Accart qui présente une nouvelle pleine de sentiments. L’histoire de ce jeune gamin qui est pris à partie par ses camarades de jeu n’est pas sans rappeler certaines heures de nos enfances, nous le consolerons dans une lecture lente et "amitieuse".
Un inédit en forme de scoop !
Un document vient d’être déniché par Jacques Dulphy, le directeur de publication : un texte picard daté de 1801 et inconnu des chercheurs qui se sont penchés sur cette époque, connue sous le nom de "moyen picard". Publié à Amiens, ce bouquet en vers picards est riche d’un vocabulaire authentique qui n’a pas vieilli. Le texte est entièrement repris, avec preuve à l’appui, et ne demande qu’à être disséqué par les spécialistes, ou à être apprécié des lecteurs. Mais ne vous effrayez pas : vous n’aurez aucun mal à saisir ce "coplimint" adressé par un filleul anonyme à son parrain !
Enfin, sachez que tout ne vous est pas dévoilé ici. Ch’Lanchron réserve encore des surprises. Des textes du Ponthieu (Domart, Bernay,...) du Sud-Amiénois (Neuville-Coppegueule), de Doullens ou de l’Artois (Fouquereul), des chanteurs picards dans l’Oise, et même une descente de la Somme en barquette et en anglais sont au menu de ce numéro 63, qui est mis en kiosque pour trois mois.