Pour ce premier numéro de l’année 2002, la partition de Ch’Lanchron se joue en accord "mineur". La musique est celle de la mine, évidemment. Et la partition est dirigée par François Dufour l’artiste sculpteur originaire de l’Avesnois. Il propose en couverture de la revue l’une de ses "têtes à fous" comme il les appelle lui-même. Son "mineur s’oxygénant" est taillé du bois dont on ne fait pas les pipes. Le regard bleu, les lèvres purpurines, il nous invite à effeuiller éch jornal picard.
L’œuvre de Dufour est regardée à la loupe picarde par Jacques Dulphy (Bourseville) qui a surpris l’homme de l’art dans son atelier. Il en a rapporté un portrait emprunt de la sincérité de celui qui se situe au carrefour de l’humour et de la sensibilité. C’est un artiste de chez nous. Il est ici l’illustrateur du poète patoisant Guy Placard. Là, il replace son compatriote Watteau dans le Valenciennes moderne, en exprimant la perplexité de l’anachronisme. Et puis ses personnages inspirent les auteurs picardisants, comme ce bonhomme de neige façonné à la main par la jeune Moutchette, selon l’interprétation donnée par Jean-Luc Vigneux (Abbeville).
L’actualité picarde passe par ce colloque universitaire qui s’est récemment tenu à Amiens, où des pointures de la linguistique (Henriette Walter, Claude Hagège) sont venus exposer tout l’intérêt qu’il faut porter aux langues qui, comme le picard, sont dites "collatérales". Ch’Lanchron en rend compte. Des hommages sont rendus aussi à deux auteurs qui viennent de disparaître. Le poète belge poète Jean-Pierre Hennebo nous laisse une suite de textes incisifs et généreux qui ont contribué à renouveler l’écriture picarde en Tournaisis.
Originaire de la Somme, c’est Blanche-Marie Gris que Ch’Lanchron salue une dernière fois. Signant du surpitchet de L’Cousène du Tchéne, elle nous adressait depuis sa résidence normande ses récits drôles, mais toujours marqués d’une profonde humanité. "Échl intchéte" qui nous est livrée ici, fait la part du bon sens paysan face aux extravagances d’un questionnaire administratif.
Place au poérion
L’Amiénoise Mireille Petit a écouté un dialogue de saison : le grand-père et le petit-fils sont ensemble au jardin. Et on ne s’y ennuie pas ! Chés poérions, mais aussi "raforer" les lapins, ou "tcheuiller chés eus", sont des occupations que le jeune citadin apprécie en compagnie de son "tayon". Plus loin, une recette de la fameuse flamique à poérion nous est donnée en picard du Vermandois par M. Godefroy. Testez là, pour vous assurer que cette cuisine n’a rien d’artificiel. Elle a bien le goût de chez nous, le picard y contribue un peu...
Chroniques et jeux littéraires
Les lecteurs assidus de Ch’Lanchron aiment à retrouver la revue de presse Liries des publications picardes. Et il faut dire que chaque trimestre nous apporte sa livraison de nouveautés. Les signes de la vitalité de la langue régionale sont bien réels. Ainsi, vous pourrez noter toutes les conférences et animations en picard prévues au cours de ce printemps 2002.
La participation de nombreux auteurs aux joutes littéraires est aussi colorée que notre langue. Pour "à l’tcheue leu leu" il fallait insérer les mots : "branque, braire, froumion, gigler, incrontchè et bochu" dans un texte à imaginer, tout en conservant l’ordre. Éh bien, ils sont 8 à avoir tenté l’exercice. Venus du Vimeu (comme Élisabeth Manier, Alain Lecat), de l’Amiénois (Marcelle Goffinont, Gilles Toullet), du Santerre (Alain Leriche), ou du Hainaut (Gisèle Raverdy), ils confrontent leurs production sur 4 pages de Ch’Lanchron .
Poésies, humour, et regards sont portés sur le quotidien de ce coin de France où l’on parle picard. "Attatchez vo Santerre !" permet à Daoud d’Harponville de donner son avis sur un éventuel aéroport... qui devient ici un "décoloér". Et la malice de M. Barbette (Frucourt, 80) nous permet de conclure que c’est avec bien de l’astuce qu’un jeune confirmé obtient de son confesseur "chés boénes adréches". Nous vous recommandons cette histoire croustillante que nous avons démuchée en page 19 de Ch’Lanchron !