Élisabeth MANIERParler picard d’Escarbotin (Vimeu) (commune de Friville-Escarbotin-Belloy, Somme) Texte picard intégral publié dans Ch’Lanchron nº65 ©août 1996
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Gris plomb, gris vért érgint, gris d’fér - Si j’mins, tu voès, j’vas in Infér - J’sus seure éq tous les gris du monne I s’értrouv’té din la Baie d’Sonme. Y a des piots nuages éd boin temps, Quasimint gris, quasimint blancs, Qu’éch vint, din s’coursé vacabonne, Il éflèpe, pi qu’il abandonne... Mais quante i s’invironne, éch temps, Ch’est du gris sombe, lourd, émnaçant, Qu’il éclate in méchantes grinchèes : O s’creurouot quante él vrépe i tchèt. Y o tout plein d’gris din chés nuèes : Pérle, èrdoése, meume él gris chindrè Qu’chés jonnes romieux l’ont dsu leus ailes... ... L’gris-beige étou, d’chés pieutes teurtrélles. Din chés hérbus vért-érgintè, - Doù qu’chu ho d’bérbis étreumè, Trantchille, à tchœur éd jour i poaiche, Intré les ieux qu’la mér al laiche - Ch’lilas-d’mér étou il est gris, Mais d’un gris-mauve, conme adouchi. Quante o ll’érbèe, in vnant dé loin, Ch’est conme des taques éd vieil-érgint. Pi quante o tchitte él bord éd mér, Qu’o rinte un molé din chés térres, O peut vir les flèpes éd feumèes, Grises étou, d’chés camieux brulès. | Gris de plomb, gris vert argenté, gris de fer, - Si je mens, tu vois, je vais en Enfer - Je suis sûre que tous les gris du monde Se donnent rendez-vous en baie de Somme. Il y a les petits nuages du printemps, Presque gris, presque blancs, Que le vent, dans sa course vagabondante, Met en lambeaux, puis qu’il abandonne... Mais quand le ciel s’obscurcit, C’est le gris sombre, lourd, menaçant, Qui éclate en pluies mauvaises : On se croirait alors à la tombée de la nuit. Il y a plein de sortes de gris dans les nuages : Perle, ardoise, même le gris cendré Que les jeunes pigeons-ramiers ont sur leurs ailes... ... Le gris-beige aussi, des petites tourterelles. Dans les touffes d’herbe vert-argentées - Où le troupeau de moutons clairsemé Pâture tranquilement à longueur de journée, Entre les flaques d’eau laissées par la mer - La statice aussi est grise, Mais d’un gris-mauve, comme adouci. Quand on le regarde, en venant de loin, Ce sont comme des taches de couleur vieil argent. Et, quand on laisse le bord de mer, Que l’on rentre un peu dans les terres, On peut voir les fils de fumées, Grises aussi, des fanes de pomme-de-terre brulés. |
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