Cette première livraison 2005 de Ch’Lanchron recèle quelques secrets d’une certaine potion magique !
Comme un vieux rêve d’enfant
La Une de Ch’Lanchron nous laisse augurer du contenu. Dans le dessin de couverture offert par Uderzo, Obélix s’adresse à son complice Astérix en six langues régionales, alors qu’Idéfix s’amuse avec un papillon. Voilà, tout est dit : « Astérix i s’edvise in picard ! » Oui, Astérix parle picard depuis octobre dernier, et depuis il ne cesse de parler aux Picards tout autant. Car l’album " Astérix i rinte à l’école " connaît un véritable engouement qui lui a valu trois retours sous les rotatives pour alimenter le lectorat picardisant ! Rien moins. Jamais un livre en picard ne s’était diffusé à 80.000 exemplaires. Et l’équipe de Ch’Lanchron s’est enquise de ce succès sans égal.
Nous trouvons donc un dossier de huit pages consacré à la traduction de l’album par Jacques Dulphy, Alain Dawson et Jean-Luc Vigneux. Le premier, Jacques le Vimeusien, nous raconte avec une pointe d’émotion, comment le gamin de Bourseville qu’il fut désespérait de lire un jour une aventure du petit Gaulois traduite en picard. Le second, Alain le Lillois, explique le pourquoi de cette interprétation tantôt "picardo-chti", tantôt "picardo-picarde" qui a été choisie par le trio des traducteurs. Le troisième, Jean-Luc l’Abbevillois, narre par le menu les voyages vers Paris (ici, comprenez Lutèce), vers Amiens ou Lille quand il fallait négocier avec l’éditeur la maquette spécifiquement conçue pour l’édition régionale, ou rencontrer le public lors de séances marathoniennes de dédicaces.
Ces pages spéciales, hautement illustrées, nous livrent la recette de la potion picarde d’Astérix. Ainsi, sont comparés les noms donnés aux personnages dans une vingtaine de langues ou dialectes. Et l’on découvre même les titres picards auxquels Astérix a échappé. Un scoop journalistique !
Ch’Lanchron : la marmite du picard contemporain !
Cette actualité picardo-gauloise, éclipse un peu le reste du contenu de Ch’Lanchron . Il serait pourtant dommage de négliger cette collection de textes poétiques qui sonnent la fin de l’hiver enneigé ; ils sont signés Élisabeth Manier (Escarbotin, Vimeu), Mireille Petit (Amiens), Alain Leriche (Voyennes, Santerre), Gustave Devraine (Driencourt, Vermandois), ou André Guerville (Feuquières, 80). Une autre bande dessinée due à Jack Lebeuf (en 1947) donne la parole à Jacques Croédur sur le même thème.
La vice-présidente des Picardisants du Vimeu, Edwige Fontaine, entraîne le lecteur en Afrique. Elle y fut confrontée au souvenir tangible de l’esclavagisme, quand un chef de famille lui remit ch’brachlet d’esclave d’une de ses ancêtres. Cette entrave ( éne inchépe ) est ici prétexte à un récit poignant, qu’elle a soin de colporter chaque 27 avril, jour anniversaire de l’abolition de l’esclavage.
Ailleurs, au fil des pages, l’humour alterne avec l’actualité grave. Jehan Vasseur (Nibas) relate en quelques phrases brutales un fait divers violent : c’est l’histoire de cet adolescent qui tua père et mère dans un accès de folie. Mais les souvenirs de Pa Charles, éch ratayon , ou l’humour de Paul Buiret (Fressenneville, 80) égaient le journal picard de leurs fantaisies.
Avant de retrouver les chroniques "liries" ou les jeux littéraires de la revue, on lira "Aïcha", une brève nouvelle de François Beauvy (Tillé, 60). Un portefeuille égaré est à la source d’une rencontre inattendue. Le langage picard traite le sujet avec sensibilité, et le héros rentre "à Bieuvais tout pinsiu, tout révleux".
Avec Ch’Lanchron 96 on est assuré que les rédacteurs du trimestriel régional sont bel et bien tombés dans ch’coédron du picard quand ils étaient petits. Voilà pourquoi ils ont gardé la forme depuis 25 ans de parution ininterrompue !
Ch’Lanchron nº 96 :
5,00 euros le numéro de 44 pages (6,60 euros franco)