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Jean LECLERCQParler picard de Bienfay (hameau de Moyenneville, Somme) Enregistré en 1989 Texte picard publié dans Ch’Lanchron nº34 ©1988 Traduction littérale en français de Jean-Luc VigneuxLe texte du poème de Jean Leclercq a été le point de départ d’une chanson composée en 1995 par Jean-Luc Vigneux Jamais enregistrée à ce jour sur album, la chanson est régulièrement interprétée en public lors des spectacles de Ch’Lanchron Une version « dépouillée » en a été donnée pour le reportage réalisé par Patrick Reynier : « Parlez-vous picard ? O vo dvisez-ti in picard ? » À voir et à écouter sur le site Dailymotion "Chl’autocar du Bourq-éd-Eut" 120 pages de picard, accompagnées d’un précieux et copieux lexique. À lire... Un éfant d'chés borduresLe recueil de textes, nouvelles et poèmes de Jean Leclercq a été édité à Noël 2024. | ||
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Achteure, j’él sais... Jamoais j’n’éroais peu vive din des poéyis trop bieux, trop neus, trop bleus, des poéyis loin d’ichi, sans longs jours, ni courts jours. Achteure, j’él sais... Ch’est din chés poéyis chi qu’j’értrouve noz érmano... Qu’i tchèche des neiges au Nouo, du solé pour no fête, inne avérse à l’ Toussaint, et pi du blè qu’i léve ! Mais ch’n’est mie toute... I m’feut coér pour lé bièn, cho’p pieute breume din chés fonds, des guérgis pi des glaches. I feut qu’j’intinche... du vint d’mér din chés branques, pi l’lin-nmain du vint d’France, ch’vint qu’i torne conme éch co dsu no clotcheu d’bérlong. I feut qu’à mzure un brave honme il obliche éd copeu ses hayures. I m’feut méme pour bièn dire, du séur pi des ronches. I feut qu’éj voache à Paques, intar-deux éclairchies, chés avrillages si djais su chés aillauts si gannes, qu’o creuroait din sin tchœur, avoér tous lz’ans tchinze ans. Achteure, j’él sais... Pour des chagrins d’éfant, pour chés malheurs à vnir, i feut qu’j’ércheuche inne boéne érèe su m’brongne pour déssaleu mes lèrmes. I feut qu’j’attinche la brune, pi qu’j’érbèche él solé s’imbértcher tout duchmint pour qu’éj fuche rapurè. Achteure, j’él sais... S’i foait du grand vint, ou bièn s’il a rimè, à l’pieute pointlétte du jour, in ouvrant no creusèe... I feut qu’éj sènche un grand frichon, si boin, pour éffoailleu tout d’suite chés idèes pi chés reuves qu’i vo viénn’té souvint durant chés nuits d’hivér, qu’o ravage, qu’o ravage... qu’o ravage. |
Maintenant, je le sais...
Jamais je n’aurais pu vivre dans des pays trop beaux, trop neufs, trop bleus, des pays loin de chez nous, sans hiver, sans été. Maintenant, je le sais... C’est dans les pays d’ici que je retrouve notre calendrier... Qu’il tombe de la neige à Noël, du soleil le jour de la fête, une averse à la Toussaint, et puis du blé qui lève ! Mais ce n’est pas fini. Il me faut encore pour un bien, la petite brume dans la vallée, des grêles, et de la glace. Il faut que j’entende du vent d’ouest dans les branches, et le lendemain du vent de sud-est, le vent qui tourne comme le coq en haut du clocher de travers. Il faut que parfois un brave homme oublie de couper ses haies vives. Il me faut même, pour dire vrai, du sureau et des ronces. Il faut que je voie, à Pâques, entre deux éclaircies, les giboulées si gaies tomber sur les jonquilles si jaunes, qu’on croirait dans son cœur avoir tous les ans quinze ans. Pour des chagrins d’enfant, pour les malheurs à venir, Il faut que je reçoive une bonne ondée sur la figure qui vienne déssaler mes larmes. Il faut que j’attende la tombée de la nuit, et que je regarde le soleil partir tout doucement pour que je sois apaisé. Maintenant, je le sais... S’il fait grand vent, ou s’il a gelé blanc, au petit jour, en ouvrant la fenêtre... Il faut que je sente un grand frisson, si bon, pour faire peur tout de suite Aux idées et les rêves qui vous viennent si souvent, pendant les nuits d’hiver, quand on se ronge, on se ronge... on se ronge. | |

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