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Satyre

d’un curé picard

sur les vérités du temps

(1754)



  • 1- Présentation du livre

  • 2- Épître [pages VII à XIII] et Avertissement [page XV]

  • 3- Lexique [pages XVII à XX]

  • 4- Sermon [pages 1 et 2] (avant propos)

  • 5- Histoire de David [pages 2 à 27] puis [pages 28 à 35]

  • 6- Second point [pages 36 à 59] puis [pages 60 à 87] puis [pages 88 à 98](satire)



  • Présentation


    Le document "Satyre d’un curé picard sur les vérités du temps" est présenté dans un dossier spécial (12 pages) du numéro 93 de Ch’Lanchron.

  • Description de l’ouvrage (1ère édition) :

  • Titre complet : Satyre d’un curé picard, sur les vérités du temps
  • Auteur : par le révérend Père**, jésuite
  • Éditeur : Avignon, Lenclume, 1754
  • Format et description : in-12, XX (pour XVI) puis 98 pages


  • Résumé de la présentation proposée par le libraire :

    Le fait d’imprimer un texte en patois participe de la volonté de conserver les mots patois et leurs sens. Plusieurs dictionnaires s’y emploieront durant le XVIIIe siècle. Dans cet esprit, l’auteur a associé un petit glossaire picard des mots les plus difficiles à entendre. Cette contribution à la langue régionale se comprend d’autant mieux qu’au XVIIIe siècle le patois était une tradition et que le français, langue nationale, ne pénétrait que lentement dans les provinces.
    Dans une attitude un peu frondeuse vis-à-vis de la pureté de la langue française défendue par les lettrés du temps, et certainement pour faire apprécier la musicalité des mots, sont donnés à entendre au lecteur, par l’oreille et par l’esprit, et sous la forme des rimes d’une parodie de sermon, les épisodes bibliques de David et Goliath ou une peinture de l’ambition qui permet, au passage, de brocarder quelques travers des membres du clergé et de la noblesse.



  • Une petite histoire du document de 1754 :

    L’acquisition de cette édition originale par Ch’Lanchron en juillet 2003 a été suivie de plusieurs mois d’étude avant une présentation dans son numéro 93 (de mai 2004). Après une introduction et quelques commentaires sur l’ouvrage, le texte originel est proposé au lecteur dans une approche progressive de sa lecture (avec mise en parallèle du picard du XVIIIème siècle et sa prononciation contemporaine).

    Le lieu d’édition est incertain (il est peu probable que ce soit réellement Avignon). En fait la mention picarde à l’enseigne de Muche ten pot sur la couverture, ce qui signifie littéralement en cachette est assez explicite pour indiquer que ce recueil circulait sous le manteau. L’imprimeur est désigné par le nom de Claude Lenclume, et le lieu d’édition est peut-être à rapprocher de la rue d’Avignon d’Abbeville ?
    Ce type de sermon ou d’allégorie est assez connu sous le règne de Louis XV, qu’il s’adresse au roi de France ou s’en prenne à la religion comme ici
    Malgré une réédition en l’an VI de la république, l’auteur demeure anonyme. Cette seconde édition est présentée dans le Recueil de poësies, sermons et discours picards chez Dévérité à Abbeville. Cette seconde édition, conservée dans les bibliothèques municipales d’Abbeville ou d’Amiens, ou encore à Lille, est complétée de deux textes de la même époque :
  • Compliment d’un poysan ed Boutrilly fait au duc de Chaulnes
  • Romance contenant l’histoire du sire de Créqui
    Cette reprise, assez proche de la première édition, comporte quelques changements qui ne sont pas analysés ici.

    Ce texte n’a été que partiellement étudié par les spécialistes de la période dite du Moyen Picard, et encore ne l’est-il que dans sa deuxième édition, voir notamment Du moyen picard au picard moderne Louis-Fernand Flutre, Amiens, 1977, p.215). En particulier, son vocabulaire n’est que partiellement décrit dans les lexiques consacrés à cette époque. De plus, le lexique de 4 pages qui introduit l’ouvrage est d’une utilité toute relative à la compréhension du texte. Il ne comporte pas, à titre d’exemple, les mots les plus picards du premier vers Vos vlos chy rassanés comme en hots de pouldaines,. Rassanés (rassemblés), Hots (troupeau) ou Pouldaines (dindes) ne sont accessibles qu’à un lecteur lui-même picardisant. Ce Sermon a été écrit par un lettré (qui s’explique dans un excellent français dont l’utilisation est limitée aux quelques notes de bas de page), et il est compris par les Picards sans grande difficulté (même si cela demande quelque effort aujourd’hui !).

    Voir la documentation linguistique sur cette époque

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    Épître et Avertissement



    Épître
    à Monseigneur
    L’archevesque de Paris



    p. VII

    Un Homme à long mantieux & à bonet cornu,
    M’as foes foy casis troter mon cu tout nus
    De mon Poyis à Amiens & d’Amiens à Paris,
    Non pour être Suisse, mais pour dédier un Écrit :
    J’ay mandé ach l’Homme-là, qu’étoit un boen Jésuite,
    Pourquoy voulez-vous donc que je m’envoiche si vîte,
    Baillemes du moins le temps de prende chouq y me faut,

    p. VIII

    Y n’st poen juste qej voyche à Paris comme en Geux :
    Luy y m’a répondu, ça par boenne amitié,
    Partez sans babiller, foetes galoper vos pieds
    Quand vous srez arivé dédié ech l’Écrit los
    Ach l’Homme qui foes tand bruit, con apele che Prelot,
    Alez bien vîte si vous voules el l’atraper,
    Car on dit quin sras pas longtans à dequamper,
    Dequamper, chet-à-dire pour avoir un capieux,
    Qu’il a gaingné à forche de soingner son Troupieux :
    Mis j’ay enquoir mandé qument foes-t’on pour dédier,
    Y m’a dit, bien men Fiu, écrit sur du papier,
    Ment en Latin, ment en Picar, ou bien en Greque,
    Et tâche de foere quequose daingne dch grand Archevêque ;

    p. IX

    Presse ta chervelle, foes-en sortir de l’éloquence,
    Car tun feroit rien foere de trop as Neminence,
    Mis, Monseingneur, quin fay poen foere des complimens,
    Et quin fay poen si vous avez des sentimens,
    Jen vœut poen m’exposer à m’ennaler mentir,
    Pour avoir seulment le plaisir de vous foere rire :
    Je say bien que vous autres Gens Crochés & Mitrés,
    Vous êtes comme des Satans, quoir pire que ches Curés,
    Chet-à-dire, que quand l’on vous dit con a mentis,
    Vous nous cachés dix lieu driere che Paradis,
    Ou si vous ne voulés poen nous metes par driere,
    Vous nous foetes aller pour mille ans dench Purgatoire,

    p. X

    Pis quand vous tnés nos Ames dens vos méme Purgatoire,
    Diu say combien y coutes d’argent pour les ravoir :
    Men Confesseux m’a dit, & ça n’a pas longtemps,
    Qos étoites obligé de parler à Satan
    Quant il étoit question de bailler soulagment
    A ene Ame qos avoite boutée den ches tourmens,
    Et que même ça coutoit des somes considérables :
    Je n’en doute poen, car je crois que Messieus les Diables
    Sons casiment comme vous pour agriper ches biens,
    Et sont des Gens quin font jamois rien pour rien :
    Mis qui n’ay poen moyen, comme je crois avoir dit,
    De foire aquater de ma vie vos Paradis,
    Sa sras bein enquoir pire ma foy aund je sray mort,

    p. XI

    Quaquens diroit ech l’Homme là a heu un grand tort
    D’avoir exposé s Name pour une éternité,
    En mentant pour cheux quin lavent poen merité ;
    Jen parle poen, Monseingneur, à vous en disant chos,
    Car je say que vous êtes une nichée de Prelos :
    Nennos qui font aler notre Religion à dios,
    Nennos deutes étout qu’il font aler à u os ;
    vous voyez bien vous-même que jen mesposray poen
    A chercher en qmin que vous ne connoissez poen :
    Et quand che boen Jésuite sroit là à men prier,
    Je lui diroit tout net, ma foy foete vote métier,
    Sufit que personne ne peut forcher ma consience,
    Et je ne vœut poen me danner par complesence :
    Bien boutez-vous am plache, Monseingneur, vous-même,

    p. XII

    Car ma foy, sans jurer, je peut dire quej vous aime ;
    Mentiroites-vous pour foire du plaisir à ches Gens,
    Ou bien mentiroites-vous sans avoir de lergent ;
    Non, car pour foere mentir en Homme de vot étoffe,
    Fouroit ly bailler de l’or gros comme Saint Critoffe :
    Et je crois qu’il foudroit qu’on vous fasse ene atrape,
    Ou qu’un Diable rusé fasse de vous un boen pape,
    Mais c’est asse parlé de Diables & de Démons,
    Y faut que j’aille coucher aujourd’huy à Bomons,
    Je me sent malade, y faut que je cour vitment
    Den en poyis où l’on vend poent ches Sacremens,
    Si bien quoy foere ichy, je n’ay plus rien à dire,

    p. XIII

    Tous les Diables serientes là quin me froites poen mentir ;
    Je me contente dont de souhaité qo vneche Homme sage,
    Et que nos Diu vos baille la paix dens vot menage,
    Et etout comme vous vnez ded illuste famille,
    Et que vous êtes le Pere de ches Femmes, de ches Filles,
    Je vous souhoite enqoir une grande prosperité ;
    Je nen souhoite tout autant à vote posterité ;
    Enfin pour finir, je suis sans impertinence,
    Le très-humble Serviteur de vote grande Eminence.






    Avertissement


    p. XV

    A Sa parlons daute quose, car y faut qu’en Auteur
    Pour vende s Nouvrage fasse un Avis ach Lecteur ;
    Bien mon Ouvrage est un Sermon pour tous ches Gens,
    Que caquens peut aouir sans qui coute de lergens.








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    Le lexique




    Explication des mots
    les plus difficiles à entendre,
    pâtois François.




    p. XVII

    A

    Acate
    achete
    Ach
    aux
    Al os
    elle a
    Aouir
    entendre
    Aringe
    arrange



    B

    Bay
    regarde
    Bayez
    regardez
    Bayros
    regarderas
    Boenne
    bonne
    Boucque
    bouche
    Braire
    pleurer
    Bray
    pleure
    Bros
    bras



    C

    Cacher
    chasser
    Cachroit
    chasserois
    Cange
    change
    Chouqchet
    ce que c’est
    Chos
    ça
    Chy
    ci
    Clacque
    jette
    Cos
    Chats
    Coyons
    lâches



    p. XVIII

    D

    Dem
    dans ma
    Dene
    d’une
    Dens
    dans
    Deratté
    Coureur
    Desse
    deça



    E

    Ecq
    que
    Ed
    de
    Eddens
    dedans
    Edpis
    depuis
    Ej
    je
    Ejoug
    est-ce que
    Ejous
    est-ce
    El
    le
    Emichons
    colimaçons
    Emolet
    un peux
    En
    un
    Enchoite
    embarassé
    Ene
    une
    Ennuis
    aujourd’hui
    Enquoir
    encore
    Epeuté
    effrayé
    Epser
    peser
    Es
    ce



    F

    Ficquer
    mettre
    Fiu
    fils
    Foiche
    fassent
    Fue
    feux



    p. XIX

    G

    Gambe
    jambe
    Glene
    poule
    Gnos
    n’y a
    Goilleux
    Goliat
    Gueveux
    cheveux
    Guevos
    chevaux



    I

    Imos
    il m’a
    Y nos
    il n’y a



    L

    Lene
    l’une
    Leux
    loup
    Leux aroux
    loupgaroux
    Ly
    lui
    Los



    M

    Marechox
    Maréchal
    Maronne
    culote
    Mecquenne
    Servante
    Mis
    moi
    Molet
    peu
    Molet à molet
    peu à peu
    Mos
    mal
    Mouques
    mouches



    N

    Nan
    non
    Nempus
    non plus
    Nos
    n’y a



    O

    Oyre
    guere

    p. XX

    Ouarde
    garde
    Ouarder
    garder



    P

    Pissons
    poissons
    Porcheux
    cochon
    Pronnes
    prunes
    Ptiot
    petit
    Ptiote
    petite
    Puchonches
    puissons



    Q

    Qarque
    charge
    Quecq
    quelque
    Quer
    tomber
    Quien
    chien
    Quim
    qu’il me



    R

    Racque
    crache
    Reux
    roue



    S

    Seur
    sur
    Sen
    son
    Sus
    suis



    T

    telle
    Ty
    toi
    Tos
    ta



    V

    Vir
    voir
    Vius
    vieux
    Vlos
    voilà
      
      


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    Sermon (avant propos)


    SERMON
    SATYRIQUE
    SUR LES
    VÉRITÉS DU TEMPS.


    p. 1

    Vos vlos chy rassanés comme en hots de pouldaines,
    Pour maouir sermonner ches paroles divaines,
    Etous je menvos vos prequers dene boene maingner,
    Et m’etendre de men long edsur ene belle maquer,
    J’ay quoysie pour echlos chelle journée ichy,
    Je vos anonche ecq chet ech St. Épifanie,
    Chet en jour comme ennuis seq trois Grands son vnus,
    Den poyis bien loen pour vir ech ptiot Jesus,
    Diu avoit envoyiés Nesprit pour leus dires
    Ech sen Fiu étois née qui viennent vite el virs,
    Y leus os quoir dis qui navent quà galopers
    Quene Etoile les merois sans les foires esclopers,

    p. 2

    Isse sons boutés en qmins & toujours en trotans
    Y sont arrivés los sans bouters aires de temps,
    Y furent ebais quand isse vires los tous trois,
    De trouver ech ptiot Diu entre quatre parois,
    Y croyens el trouver dens queques bieux grands quatieux
    Denl mitant den boen lit aveus des bieux Monsieus,
    Mais nan navoit aveu ly quen boen viu grand pere,
    Quetoit marié edpuis peu aveu s Mere,
    Y faut quej vos aprenche que s Mere etoit chele Vierge
    A qui os aportez par fois en ptiot cierge,
    Diu el l’avoit quoysie parmés ches pus boennes femmes
    Pour ly bouters dens panche ech Soveur de nos ames,
    J’ay enquoir bien aute quoses à vos dires apres chos,
    Mais pour quej men souvienche faut dire Ave Marios
    avan propos.







    Suite du sermon Commencement de l’Histoire de David



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