Après nous avoir gâtés avec son numéro de printemps consacré au Lillois Simons, le trimestriel picard Ch’Lanchron propose de nous installer dans un fauteuil de paille (un cadot) et de savourer ses pages de notre dialecte. Une livraison estivale qui nous tend les bras derrière la couverture de feure éd soél (paille de seigle) aux couleurs ensoleillées de la saison.
L’éditorial est un éloge de la paresse pour ceux et celles qui passent leurs vacances à "Gardincourt", ce qui ici en Picardie, signifie simplement rester chez soi. Mais la région offre aussi ses attraits et ses risques. Dès les premières pages, il faut se méfier de chl’harnu (l’orage) avec Léon Goudallier d’Hangest-sur-Somme, et aussi de la mer dans un autre poème de Bertrand Crognier inspiré par la Baie de Somme.
À l’occasion de son cinquantenaire, la libération de la prison d’Abbeville par la Résistance est racontée par Aimé Savary (de Beauquesne), qui en fut l’un des évadés. Ce témoignage ajoute vérité et émotion à l’histoire de notre région.
On sait aussi que la tradition de la marionnette à tringle et à fils est un des fleurons de la Picardie. Lafleur et ses compagnons sont actuellement bien représentés dans le musée départemental de Saint-Antoine, en Isère, où les touristes ont actuellement une présentation de grande qualité de nos cabotins. Ch’Lanchron y est allé en reportage et vous en livre les secrets.
Vermandois et Amiénois
Les auteurs picards contemporains du Vermandois ne sont pas légion. Pourtant la signature de Pascal Dufour (Saint-Quentin, 02) vient s’ajouter au nombre des collaborateurs du journal, dans le conte de "Tchot Jean pi sin beudet". Un panorama d’auteurs de l’Amiénois nous est également proposé. Mireille Petit se rappelle "éch cou d’sin grand-père". L’occasion de quiproquos en jouant sur les mots "coq" et "cou" qui se prononcent ici de la même façon ! René de Soutler, auteur de Saint-Leu dans les années trente, chante la promenade de "chés nazus d’Amians", et un article contigu rappelle le blason de ce quartier : "les reclus de Saint-Leu" qui avaient, paraît-il, des prétentions de poètes jalousées par leurs voisins. Jean Masse, originaire de Corbie, s’était fait en 1903 le rapporteur d’une histoire qui devait égayer les veillées : celle de l’Séparation d’échl église d’avu chl’état. Retrouvés dans un ancien recueil des Rosatis Picards, ces dialogues entre le pape et les assesseurs de Dieu ne manquent pas de sel et d’esprit. Le parler picard est tout à son aise dans les démêlés du Saint-père.
Théâtre et nouvelle
L’expression picarde sait s’accommoder de tous les genres littéraires. Jacques Dulphy (Bourseville, Vimeu) donne au public un sketche pour trois acteurs "éch souglou" (le hoquet). Les personnages ne sont autres que les célébrissimes Jacques Croédur, Madlon et Trinquefort qui sont en conversation sur les projets d’autoroute qui doivent trécoper (traverser) leur village de Vauchelles. Jean-Luc Vigneux (Abbeville) nous livre pour sa part une nouvelle "cho’t taque éd vin" qui est la traduction en picard du Ponthieu d’un chapitre (l’angiome) du recueil "Premières Nouvelles" de Thierry Bonté, récemment édité à Amiens. Les amours adolescentes des jeunes qui se retrouvent à la carrière de sable des bords de l’Aisne s’adaptent facilement aux descriptions imagées du picard.
D’autres auteurs se joignent à ce florilège. Ceux du nord : Robert Mille (Artois) manie une poésie classique ; Jean de Sin le Noble (région de Douai) s’exerce à une lecture malicieuse de l’alphabet. Ceux du Vimeu : Roger Holleville (Fressenneville) se libère dans un sonnet des agressions portées sur son paysage quotidien ; Élisabeth Manier (Escarbotin) répond à la rubrique VIR pour laquelle elle commente la photographie sélectionnée ; Eugène Chivot (Buigny-lès-Gamaches) se reporte aux années de captivité en Autriche pour ré-entendre le chant de l’alouette, symbole d’une liberté sans frontières.
Dans Ch’Lanchron 57 vous retrouverez enfin les rubriques littéraires habituelles, qui signalent cette fois pas moins de 15 nouvelles publications à caractère régionaliste. L’accent est mis sur l’édition de luxe qui consacre Jules Mousseron et son œuvre complète en quatre volumes. Le créateur de Zeph Cafougnette, mineur et hâbleur de renom est à l’honneur également le héros d’une BD où les bulles parlent patois avec le plus grand naturel. Préparez-vos soirées de lecture aux couleurs locales en suivant le guide : toutes les bonnes adresses sont dans les pages de Ch’Lanchron nº57 !