Depuis 16 ans, Ch’Lanchron arrive trimestriellement dans les kiosques picards pour nous régaler de ses quelques quarante pages dialectales. Au sommaire de ce numéro printanier : poésie, nouvelles, reportages, grande ou petites histoires, actualité, ainsi que les chroniques et les rubriques picardisantes.
Les enfants trouveront une "l’histoére touilloére" que Tchotchote de St-Leu (Amiens) leur conte pour s’endormir. Un jeune veau s’envole dans les nuages et rencontre une multitude d’animaux, alors que sa mère essaie de le récupérer en le suivant à vélo ! Mais ne croyez pas à une parodie des vaches folles : ce texte est daté 1984. À moins que sa poésie n’en soit prémonitoire ?
À Canchy (Ponthieu) c’est une histoire traditionnelle qui a été collectée par Aimé Savary : le quiproquo des "troés mille francs" remonte à une époque révolue, où l’instruction n’était pas toujours tenue pour nécessaire.
Un roman en souscription
Jean Leclercq, auteur picardisant aux qualités littéraires indéniables, nous propose ici une nouvelle "Marie Polite et pi sin beurre". Les personnages utilisent encore les outils anciens "bérri au beurre" et "tchéne in bos" pour battre la crème.
Ce sont par ailleurs un parcours dans le Vimeu, et un voyage à travers la mémoire auxquels il nous invite dans son futur roman : Chl’autocar du Bourq-éd-Eut (l’autocar d’Ault). Ce livre paraîtra fin juin 96. L’édition d’un roman en picard constitue une "petit" évènement : notre parler régional ayant plutôt coutume de nous emmener dans des récits plus concis. Mais les extraits présentés aux amateurs de picard laissent augurer une lecture enrichissante, sur les pas de Piot Ltchu, le héros, qui va rencontrer plusieurs aventures, sur un fond d’amitié.
Les souvenirs de notre vie picarde d’antan sont au rendez-vous des pages de Ch’Lanchron. "Au bérdalache" pour les journées de fête ; "Chés calimichons" raconte des jeux avec les escargots, heureusement interdits aujourd’hui ; l’intimité d’une vie familiale est décrite avec bonheur par Eugène Chivot (Buigny) ; le charron bourru de Vaux-en-Amiénois est remis en mémoire par Eugène Clark. Ce sont deux épisodes de la Révolution française à Auxi-le-Château qui sont fidèlement rapportés par Michel Oudin et Pierre Dufétel. L’une rappelle les jeux de balle pratiqués dans les églises qui n’étaient plus vouées au culte. L’autre parle du temps des contrebandiers qui trafiquaient le tabac au cours des processions religieuses : l’occasion de franchir l’Authie en toute impunité !
Une nouvelle de Gilbert Louvet (Poulainville) trace en quelques épisodes impitoyables la descente d’une vie. Cette jeune mère, abandonnée, va véritablement suivre un "cmin d’misére", en s’enfonçant dans le drame moderne du chômage.
Un deuxième dossier "picard et politique"
L’hiver dernier, Ch’Lanchron avait ouvert un premier volet sur les élections municipales avec des tracts rédigés en picard (voir Ch’Lanchron nº 62). Les lecteurs ont envoyé de nouveaux documents, que, nous pouvons les consulter. La teneur de la "lette à min cousin Dédé" dédiée en 1964 à Oisemont par Tchot Nesse (Charles Bignon) à son adversaire d’alors est sans appel ! Les poèmes illustrés de Guy Placard, qui vante le futur magistrat valenciennois sont un régal de parti pris. À Amiens aussi, le picard et la politique jouent ainsi une complicité que notre langage autorise.
Une bonne vingtaine d’autres auteurs viennent à notre rencontre dans les pages de Ch’Lanchron. Guy Dubois (Lillers) lance un hymne au soleil de chez nous. Jean-Luc Vigneux (Abbeville) est inscrit au tableau d’honneur à Tournai où il remporte le 1er prix de littérature picarde. Des textes du Ponthieu (Domart, Saint-Riquier), du Hainaut, de l’Audomarois (Pierre Coudre met en scène la "mise in perche d’un tonniau d’biére") complètent le menu picardisant. La lecture de toutes ces pages picardes vous donneront tout le loisir de les déguster.