En cet été 2005, Ch’Lanchron, le trimestriel publie l’intégralité des textes picards d’Arthur Souverain. Restés inédits dans un cahier manuscrit daté de 1934, les histoires et contes de Souverain sont désormais disponibles. Mais le mystère autour de cet auteur n’est pas pour autant dévoilé. Jamais répertorié dans les anthologies ou les travaux universitaire, on ne sait que bien peu de choses de Souverain. Admirateur de Louis Seurvat d’Ailly-sur-Noye, il reprend certains de ses thèmes. Dans un de ses textes il évoque Braches, qu’il nomme "no village". Hormis Paris, toutes ses histoires sont situées dans la Somme. Que ce soit Veuchelle, Roée, Biucamp, Vignacourt, Saint-Blimont, L’Cœuchie ou Copegueule... nous retrouvons ses héros sur tous les chemins du département, où Amiens et ses quartiers tiennent aussi une place privilégiée. D’ailleurs, une de ses pièces y a été lue en séance des Rosatis en septembre 1920. Voilà quelques indices, mais ce sont surtout la langue et l’écriture picardes qui laissent supposer que cet énigmatique A. Souverain (dont on ne connaît ni les dates ni même le prénom entier), ait été Amiénois.
Un mystérieux auteur nommé "A. Souverain"
Quoi qu’il en soit, sachons gré à Ch’Lanchron d’avoir démuché Souverain et de nous livrer ses contes facétieux, coquins, humoristiques, parfois même scatologiques. L’auteur est empreint de son époque. La plupart de ses textes met en scène des personnages religieux. Curé et sa métchingne, enfants de chœur, chaisière, bonne sœur, doyen, pape, évangélistes et même le Saint-Esprit... ils sont tous là. Chacun plus ou moins malin ou astucieux, ou au contraire niais ou nigaud, ils sont le sujet de plaisanteries qui les mettent en porte à faux, comme on aimait en raconter peu de temps après la séparation des églises et de l’État, il y a tout juste cent ans. Mais l’univers de Souverain sort également des églises et nous rencontrons alors l’instituteur, le pharmacien, le vétérinaire, pompiers, trimardeur ou badauds qui sont également présents au fil des vingt pages de ce cahier spécial. La série cocasse se conclut avec éch voéyage éd Sosthène à Paris, épopée qui se termine par le retour au pays de ce grand naïf qui a acheté des œufs d’mulet et qui se met en position de les couver ! On l’aura compris, le picard de Souverain, c’est de l’humour. Le langage est riche (un lexique complète le dossier), et chaque texte est accompagné de dessins à la plume de l’auteur... ce mystérieux Souverain, donc, qui ne manquait pas d’habileté et de talents dans bien des domaines.
Addendum du 15 novembre 2005 ! Le mystère "A. Souverain" est éclairci...Ch’Lanchron 100 vous révèle le prénom de cet auteur, sa carrière et son village d’origine en page 37 !
Les picardisants rendent hommage au jeune Louis Dulphy
Notre langue picarde sait rire et distraire. Ces registres là nous sont familiers. Mais cette langue de chez nous sait également émouvoir. Langage vrai et concret, le picard possède ses propres mots pour exprimer le chagrin, la peine, la douleur. Toutes ces nuances sont inscrites dans les pages de Ch’Lanchron 97. La revue est marquée par la disparition brutale du plus jeune de ses animateurs, Louis Dulphy. À douze ans, Louis possédait déjà plus de cinq ans de pratique de l’écriture picarde. Régulièrement publié avec une rubrique "Ch’piot Dur et pi ch’piot Mo", dont le dialogue était calqué sur celui imaginé par son père Jacques dans les colonnes du quotidien régional, Louis Dulphy était aussi membre actif des Picardisants du Ponthieu et du Vimeu. C’est tout naturellement que la grande famille picarde lui rend un hommage sans pareil. Les signatures de ses pairs, Élisabeth Manier (Escarbotin), Edwige Fontaine (Saucourt), Jehan Vasseur (Nibas), Jean-Luc Vigneux (Abbeville) et tous les Lanchronneux associés dans un texte fort émouvant, suivent la planche de binde à dessins offerte par Jean-Bernard Roussel (Amiens) à leur ami Louis, beaucoup trop tôt disparu, en mars dernier. Comment dire adè à " Ch’piot Louis qu’o rvoérons din nos ramintuvries " ?
Une larme de Gadrouille
Gadrouille, la mascotte de Ch’Lanchron, ne peut lui non plus effacer la larme qui coule sur l’éditorial de Ch’Lanchron 97. Il entend pourtant vous faire partager ces 48 pages avec plaisir et passion. Un document reproduit la toute première B.D. picarde " L’vaque d’Zélie " signée André Pierre en 1922. Retrouvée dans un almanach, cette aventure en 12 cases est présentée dans un article qui fait le point sur la B.D. en picard. Il faut bien dire que les bulles picardes tiennent le haut de l’actualité depuis un an. Le succès de l’album Astérix i rinte à l’école (plus de 100.000 exemplaires vendus), et la toute prochaine sortie de deux albums de Tintin traduits en Tournaisien, prouvent la vitalité de la littérature picarde, qui ne néglige aucun domaine d’expression.
Retrouvez aussi dans ces pages bien fournies, les textes de Gisèle Souhait (Molliens-au-bois, 80), Maurice Laude (Iwuy, 59), André Guerville (Feuquières, 80), Gilles Toulet (Le Mesnil-Terribus, 60) Janine Hanocq (80, Amiens), Yves Julitte (60; Verneuil), ou Patrice Damay (val de Selle, 80). Leurs éclats côtoient ceux de A. Souverain, dans ce picard que l’on aime, celui qui brille de toutes ses facettes.
Ch’Lanchron nº 97 :
5,00 euros le numéro de 48 pages (6,60 euros franco)