Avec l’arrivée en ce mois de mai 2010 du numéro 120, Ch’Lanchron fête dignement son trentième anniversaire ! Ses 84 pages toutes en couleurs, apportent leur lot de littérature, de distraction, de poésie en picard. Les amateurs vont être comblés. Les néophytes auront du plaisir à faire leurs premiers pas dans la lecture de la langue régionale grâce aux trois bandes dessinées qui sont semées dans la revue.
3 BD. pour 30 ans
La première de ces BD. est due au Belge Serdu. Fidèle illustrateur de la revue depuis un quart de siècle (comme le temps passe !) Serdu propose sur deux pages une vision personnelle de la réalisation du journal. Sous le titre évocateur « Trinte énèes qu’échl avinture al dure » , nous apprenons étape par étape comment naît un « liméro » de Ch’Lanchron. Jusqu’au moment où le libraire dépositaire déroule le tapis vert devant le distributeur de la gazette régionale. Les clins d’œil aux anecdotes ne sont probablement pas tous fortuits. Cette binde à dessins sent le vécu.
Le second opus à découvrir est signé de Jacques Guignet et Armel Depoilly.Depuis l’automne dernier, Ch’Lanchron nous permet de lire l’intégrale de la série de cinq bandes dessinées imaginées par cette paire de complices vimeusiens. Après les quatre séries publiées dans Ch’Lanchron 115-116 et Ch’Lanchron 117-118, voici donc l’ultime livraison : « Histoére d’eune gate-à-couleu volante ». L’aventure débute avec la vision d’une soucoupe volante, devenue ici des « gate-à-couleu ». Un savant fou menacerait la population… L’enquête est confiée à l’inspecteur Britchet et à une espionne, la jeune et séduisante Flairette. L’intrigue dévoilera des secrets de famille mêlés à des souvenirs qui remontent à l’occupation allemande. La réalisation initiale de cette BD. date de 1980. La version proposée cette fois aux lecteurs de Ch’Lanchron a été entièrement revue et corrigée pour le texte ; quant aux dessins, ils ont été numérisés et retracés selon le trait originel, puis intégralement colorisés par l’équipe éditoriale. Nous nous laissons charmer par cette édition définitive !
28, 29 et 30 mai 2010 : aidons Ch’Lanchron à souffler ses 30 bougies !
Les planches de la troisième bande dessinée occupent 16 pages de Ch’Lanchron n°120, pas moins. Jean-Bernard Roussel a composé un scénario sur les bases d’un conte traditionnel picard. « Él vaque de ch’tchurè » souligne, vignette après vignette, toute la malice du paysan picard. Le curé du village ne promet-il pas de rendre « tout au double » ? Ugéne, fidèle paroissien doté d’un esprit rusé, prend au pied de la lettre le prêche dominical ! Ugéne offre sans tarder sa vache (és vaque) Mérgritte, dans l’espoir non feint d’en voir revenir deux dans son pré. Et, peu de temps après son geste généreux, Ugéne se voit récompensé ! Seulement l’histoire ne s’arrêtera pas là. Nous vous laissons découvrir le dénouement, à rebondissements de l’aventure. Les lecteurs qui auraient quelques difficultés pour déchiffrer ces pages pourront vivre en direct cette BD. le samedi 29 mai : une interprétation en sera donnée à la Maison Pour Tous d’Abbeville ce soir-là par l’équipe de Ch’Lanchron. En effet, la totalité des dessins a été intégrée dans un montage de diapositives. Sonorisé et accompagné d’une lecture théâtralisée, nous aurons droit à un quasi-dessin animé qui sera joué en direct et en public.
Cette lecture s’inscrit dans le cadre de la fête qui est organisée sur trois jours par Ch’Lanchron à Abbeville. Celle-ci promet d’être dense.Vous pouvez en consulter le programme qui s’échelonne depuis la soirée cabaret chansons picardes du vendredi 28 mai au premier Salon du livre en picard du dimanche 30 mai, en passant par la grande journée du samedi 29 quand aura lieu l’inauguration officielle de Ch’Lanchron n° 120, mais aussi une grande soirée spectacle. Réservez vos places !
Ch’Lanchron, le passeur de la littérature picarde
Revenons aux pages de Ch’Lanchron 120. Après les lectures des BD. nous pouvons nous orienter sur d’autres expressions. Le théâtre est à l’honneur avec la pièce de Pierre Cavenel. L’auteur, décédé en 1965, laisse la pièce inédite « El soudure », qui met en scène le héros picard Lafleur, au retour de sa captivité dans un Oflag. Le texte de ce dialogue, où les sentiments de liberté alternent avec ceux de la solitude ou de l’abandon, est écrit dans un registre peu coutumier du facétieux personnage. Ch’Lanchron nous permet aussi de le découvrir sur son site Internet.
Un autre dialogue plus surréaliste est signé de Gisèle Raverdy (Aulnoy-lès-Valenciennes, 59). Elle met en scène deux fers à repasser. L’ancien, rustique, s’adresse avec curiosité au moderne, électrique. Qu’ont donc à se dire ces générations de « poulissos » ?
Dans Ch’Lanchron 120 Pierre Devismes (Le Crotoy) nous fait partager l’un de ses souvenirs de Crotellois de souche. Nous lirons l’ensemble de ces récits dans la récente publication « Une vie de pêche en baie de Somme » qu’il vient de faire éditer sous forme d’entretiens avec Jeannine Bourgau (Engelaere éditions, Arras, 62).
Passant en revue d’autres formes littéraires, nous rencontrons Jacques Dulphy (Bourseville, 80) dans la reprise d’une de ses fables d’inspiration vimeusienne : « Clotaire et pi Alcite ». La poésie classique est déclinée par Isaïe Lampin (Souchez, 62) avec « Su min dernier terri ». La chanson trouve couplets et refrain dans les vers de Victorin Poiteux (Brouchy, 80).
La nouvelle romancée est portée par Jean-Luc Vigneux avec « Blandine, él féme Léon ». Le texte est découpé en trois chapitres, cependant l’issue est laissée au gré du lecteur, puisque deux conclusions sont proposées au récit. Léon restera-t-il avec sa femme, Blandine ? Prendra-t-il un autre destin ? C’est à vous de choisir ! Le même auteur nous livre dans ce numéro anniversaire, une page inédite de son récit « L’darène saison » qui avait été publié à l’heure de la fermeture définitive et irrémédiable de la sucrerie d’Abbeville. « Deux rachènes » arrive ainsi en conclusion de cette écriture-témoignage, forme de résistance à l’absurdité économique réalisée au mépris de l’Homme.
Jean-Claude Berdynski (Condé sur Escaut, 59) évoque ses souvenirs de cycliste. Jidé (Moreuil, 80) plaisante avec « ch’turlométe » (le thermomètre). Roger Noyon (Quend, 80) se remémore ses premiers pas d’instituteur en zone rurale. Nous retrouvons ailleurs et avec plaisir les signatures de Marius Devismes (Saigneville, 80), Daniel Cotrel (Cottenchy, 80), Alain Leriche (Voyennes, 80), Roland Dumont (Hallencourt, 80), ou dans l’Oise de Fabrice Duserre (Ronquerolles, 60) ou Adolphe Decarrière (Rémy, 60) et quelques autres encore… autant de preuves de la vitalité et de la diversité du picard.
Voilà trente ans que Ch’Lanchron se fait l’écho des richesses de notre patrimoine littéraire régional de langue picarde.
Cette fois encore, notre trimestriel « jornal picard » est le passeur de tous ces talents, humbles, discrets, mais terriblement féconds. Qu’a durche ! (que cela continue !).
Ch’Lanchron nº 119-120 :
12,00 euros le numéro de 84 pages (15,00 euros franco)