Le numéro 74 de Ch’Lanchron est arrivé dans les kiosques
Une grande cartrie picarde (une porte charretière) nous accueille en couverture. Ouvrons donc chés grands’ portes pour trouver plus de 40 pages de parler picard pur jus. Les auteurs de la Somme, et bien au-delà sont au rendez-vous du trimestriel.
Élisabeth Manier (Escarbotin, Vimeu) nous invite à aimer le vent avec ces simples mots : "nous, gins d’ichi, gins d’vint pi d’pluie" qui résument l’attachement indéfectible du Picard pour son pays. Ce respect pour la nature et ses caprices semble partagé par Alphonse Pasquier qui aux portes du Santerre nous fait partager une vie avec "ch’bérgi", le berger.
Les traits de caractère du "rapiat" décrit par Gisèle Raverdy (Aulnoy, 59) sont particulièrement savoureux. La description détaillé de cette Marie grippe-sous est vraiment hors du commun. Le moindre bouchon est récupéré pour un piètre chauffage domestique ; quant au cadeau qu’elle réserve à ses proches - un ballon de foot, tombé par la cheminée, nettoyé de sa suie et enveloppé dans un papier journal - il est sans égal ! Un texte à découvrir en version originale, dans un excellent parler rouchi.
La gendarmerie sur la piste du lin...
Une longue et minutieuse enquête policière est au centre de ce numéro de rentrée de Ch’Lanchron. Jehan Vasseur, de Nibas (Somme) nous emmène du temps de la gendarmerie à cheval, quelques années avant la guerre de 1870, au cœur d’un village et de ses habitants. Des bottes de lin ont été volées, ou plus précisément ont changé de propriétaire. Car la justice paysanne s’accommode mal de celle du Juge de paix. On préfère ici la méthode du "rindi-rindo" et des arrangements, à la loi qui inspire la méfiance et font taire les plus bavards. La lecture des neuf pages de cette nouvelle nous aident à changer quelque peu de monde, et sont, parait-il basées sur des faits réels. Nous nous abstiendrons, comme dans les meilleurs films, de dévoiler plus avant cette intrigue.
Rubriques et signatures picardes
Faut-il passer en revue toute le contenu de Ch’Lanchron ? Les habitués du picard retrouveront les rubri- ques spécialisées de la revue. Le cliché "Vir" qui, sous forme de jeu, permet aux lecteurs de s’essayer à l’écriture a rassemblé cette fois sept contributions venues de tout le domaine linguistique picard.
Nous avons relevé aussi les signatures de Jean Leclercq (Bienfay, Vimeu vert) qui raconte l’anecdote d’un poney récalcitrant ; celle de Marc Sellier (Neuilly, Ponthieu), qui décrit la vie simple d’une Polonaise juive domestique dans une ferme du Ponthieu ; de Paul Mahieu, le poète de Tournai (Belgique) qui joute littérairement avec Jean-Luc Vigneux (Abbeville) sur le thème du retard dans le registre de l’absurde ; ce dernier nous propose aussi un portrait sans concession, d’une femme de maison soumise à sa patronne, au soir du décès de celle-ci. Le vocabulaire parfois violent rompt avec les préjugés portés sur le picard, d’une langue qui ne saurait dégager de sentiments. Ici, dans un texte cinglant, la force de notre expression régionale prend une nouvelle part de son sens.
Un nouveau livre en souscription
Ch’Lanchron entend rendre hommage à Armel Depoilly, à l’occasion des 10 ans de sa disparition. Le picardisant de Dargnies a laissé de nombreux inédits qui seront prochainement rassemblés dans un nouveau volume intitulé : "Contes éd no forni et pi ramintuvries", à paraître en octobre prochain. Une souscription est d’ailleurs ouverte, et l’on peut demander des bulletins à Ch’Lanchron (*).
Ce volume sera constitué dans sa première partie d’un ensemble de contes Le monde de l’imaginaire s’impose à nous. Les animaux parlent aux hommes ; le temps est mis au défi. Toutes ces histoires sont ancrées entre la Forêt d’Eu, les falaises de Mers et le Vimeu côtier. Elles émerveilleront les plus jeunes et surprendront
leurs parents. Les Ramintuvries continueront le livre. Au-delà des souvenirs personnels, une vision très profonde de notre environnement quotidien nous est révélée. Chaque anecdote devient une nouvelle leçon de vie. Les pensées, puis les contes, les chroniques ou les dialogues de théâtre nous permettront de pénétrer le monde familier de l’auteur. Armel Depoilly, pour évoquer son passé a forgé un mot picard : chés ramintuvries.
Signalons encore un étonnant reportage sur une colonie nommée "Nueva Picardia" au Paraguay. Elle a été transmise par un abonné à la revue, via le réseau Internet ! Ce numéro de Ch’Lanchron constitue ainsi un tour d’horizon large de l’actualité picarde !
"Contes éd no forni et pi ramintuvries" : le livre de 150 pages, illustré, avec couverture en couleurs, et un lexique français picard, au format 17x24 : 16,50 euros. Paru le 3 octobre 1998 !