Ch’Lanchron 147
Parution : janvier 2017
Prix de vente : 3,50 €
Directeur de publication : Jacques Dulphy
Rédacteur en chef : Jean-Luc Vigneux
|
Le contenu de Ch’Lanchron 147
• Édvant d’écmincher Boéne-énèe ! (éditorial)
• Tchot-Tchot (poème clin d’œil)
• Marie-Madeleine Duquef (article)
• « Jacqueline et pi Coulos » (5) (chanson)
•Ch’moéne et pi ch’sablieu (conte)
• Tchotchote al s’a in-allè (hommage)
• Afreusetè : « Él man » (histoire surréaliste)
• Vive Tchotchote Prème ! (article)
• Grandcourt i n’va point fort (nouvelle)
• Chés potieux (bande dessinée)
• Passè chés bournes (poème)
• Éj trache (réflexion)
• D’bistinbout (histoire)
• Vife su nou Terre (Réflexion)
• L’tchaingne (histoire)
• Ch’gardinieu (interrogation)
• Éne route, un abe (réflexion)
• À vous d’VIR, achteure ! (jeu)
• Liries (articles)
• Fichelle (histoire comique)
• Ch’picard « vuvant » aveuc chés Picardisants (annonces)
• Éch canchonnier d’djerre (article)
• In captivité (poésie)
• Les ptits métiers du camp (poésie)
• L’cambre 32 B (poésie)
• Pour du picard corporè (critique)
• Ch’ratro à Gadrouille (pensée)
• Chés Rolandries (histoires drôles)
• Quoé qu’ch’est qu’i vo s’dessatcher d’lo (dessin de presse)
• Éch pichgon à zius noérs éd Saint-Wary (fable)
|
|
Il n’est de bon journal qui ne commence par son éditorial. L’actualité commande généralement cette écriture. Ch’Lanchron ne déroge pas à ces règles. Gadrouille, l’éditorialiste, tout en présentant ses traditionnels vœux de « boéne-énèe » livre aux lecteurs sont approche du dossier de la reconnaissance du picard, en tant que langue pouvant être enseignée officiellement en classe. La récente réponse de la ministre de l’Éducation nationale n’a point l’heur de plaire aux picardisants. Argumentant sur les diversités d’expression du picard, sur son manque d’unité, voire de norme, la ministre conseille tout bonnement aux défenseurs de la langue régionale de s’en remettre aux horaires périscolaires ou à la bonne volonté éparse de quelque enseignant. La lecture de Gadrouille est toute autre : les signes décrits par la vision ministérielle sont précisément ceux de la vitalité de la langue, de son actualité et de ses richesses. Faudra-t-il attendre la mort du picard pour qu’il ait sa place dans les manuels ? Les démarches entreprises il y a précisément un an, notamment la réception au Sénat (voir Ch’Lanchron n° 143), et les courriers adressés par les parlementaires aux édiles n’auront donc abouti qu’à une nouvelle variante d’une réponse ô combien de fois répétée depuis des décennies. Le picard n’a donc qu’à compter sur ses forces propres pour sortir la tête de la toise jacobine.
Retour sur une disparition, celle de Marie-Madeleine Duquef, alias Tchotchote d’él Tcheue d’vaque. L’Amiénoise, auteure picarde, est décédée en septembre dernier, et Ch’Lanchron lui rend hommage en ouverture du journal. Articles ou quelques rimes, voilà la personnalité de Tchotchote qui nous revient en mémoire. Un texte personnel, d’inspiration très surréaliste « Afreusetè : Él man » ponctue ces trois pages émouvantes, mais gaies et riantes, comme l’était la fière locutrice du parler du quartier populaire de Sant-Leu.
De la litote…
Si un grammairien rencontrait un jour des difficultés à expliquer la litote à ses disciples, c’est avec la nouvelle de Jean Leclercq qu’il résoudrait son problème. « Grandcourt i n’va point fort » en est le titre, et dès cette première ligne, on en dit le moins possible pour en laisser entendre un maximum. Pauvre Grancourt ! Sa fille cadette, Ginette, n’entend pas suivre le chemin docile de son ainée Paulette. Glisser un zeste d’ambition dans sa vie n’est pas du goût de son père. Alors, Ginette et son galant, vont « cmincher pèr éch pu facile ». Est-il nécessaire de compléter par un dessin ? Rien d’étonnant à ce que le pauvre père Grandcourt, mis devant le fait accompli, résolu par la ténacité de sa fille… n’aille donc pas « plus fort éq eu » !
Une BD. de Jean-Bernard Roussel apporte une grande respiration en page centrale. L’effacement des inscriptions sur les poteaux routiers a guidé le dessinateur qui met Ugéne «éch patron » en situation quasi cauchemardesque.
La coutumière rubrique Vir donne la parole ou plutôt l’écriture picarde aux lecteurs. Une bonne demi-douzaine d’entre eux ses sont essayés à commenter la photographie du trimestre. Réflexion, interrogation, affirmation… il y en a pour toutes les inspirations. À votre tour, essayez : « ch’est à vous d’VIR achteure ! »
Une page ne suffirait pas à présenter les publications picardes de cette fin d’année 2016. Proverbes, dictons, roman, témoignage… la littérature en picard ou sur la langue picarde abonde. Les pieds du sapin de Noël ont pu combler les amateurs, sans nul doute.
Comment qualifier ce récit humoristique signé par Lucien Frété (Mons-Boubert, Vimeu) ? La vie de « Fichelle » (le futé) confine à l’absurde. Un jumeau qui cède sa place, un service militaire de planqué, de bonnes assiettées devant lui à chaque fête, toute la vie de Fichelle n’est que débrouillardise, chance et astuces. Jusqu’au jour où il commettra, à l’âge de quatre-vingts ans, sa première bêtise. Ce sera aussi sa dernière. Nous n’en dirons pas davantage ici.
L’humour est aussi, comme souvent, au rendez-vous dans les blagues signées par Roland Dumont : ce sont chés Rolandries, qui viennent conclure ce n° 147 de Ch’Lanchron, comme elles émaillent chaque mois les séances abbevilloises des Picardisants. Régalons-nous !
Les textes retrouvés d’un prisonnier de la Grande Guerre, Arsène Warnier, le Lillois, sont présentés dans la rubrique « Ch’étoait in Quatore ». Ces chants composés en captivié à Zwickau, ont été publiés dans l’immédiat après guerre. Une autre face de la vie de ces soldats oubliés ressort des trois extraits proposés dans Ch’Lanchron
Pour du picard corporè
Ch’Lanchron 147 se conclut par un plaidoyer. Celui d’une langue respectée. D’une langue picarde diverse, certes (comme il fut présenté dans l’éditorial), mais d’une langue riche de ses nuances et de sa complexité. Mais certes pas d’un langage sans âme qui perdrait alors son essence. Sur quoi repose cette interpellation de Jean-Luc Vigneux ? sur la distribution d’une recette de cuisine prétendument traduite en picard, et distribuée à 150 000 exemplaires sur le marché de Noël d’Amiens. Déjà en 2015, le même exercice avait échoué. La récidive de 2016 enferme le picard dans une caricature de langue et d’approximations quand ce ne sont pas des faux-sens. La traduction est un exercice complexe et délicat, qui nécessite documentation et relectures. Que l’on passe d’une langue à l’autre et les contraintes sont multipliées par autant de facteurs.
C’est en homme d’expérience que Jean-Luc Vigneux (il a été premier prix de traduction en picard en 2013, il est également Co-traducteur d’albums de Tintin ou d’Astérix, d’imagiers ou autres publications destinées à la jeunesse ou au grand public), exprime la grande nuance qui existe entre traduction et transmission ou entre traduction et trahison. Ce qui semble avoir été le cas dans la rue des Trois Cailloux en décembre dernier. Quand ce sont des dizaines de milliers de fascicules qui sont généreusement distribués, le mal est fait. Comment pouvoir réclamer la valorisation d’une langue si ses propres auteurs en sont à oublier les premiers principes ?
|
|
|
|