Paul Mahieu
Paul Mahieu, animateur de la Section dialectale de la Maison de la culture de Tournai (Hainaut belge) avait lancé l’idée de la rédaction d’un dictionnaire « pan picard » au début des années 1980. Plusieurs réunions de travail ont été consacrées à rédiger un document de synthèse, pour ce qui n’est demeuré, hélas, qu’un projet. En voici les grandes lignes, dans la rédaction de l’époque.
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Le comité culturel d’accompagnement
Étaient pressentis pour composer ce comité des personnalités du monde dialectal, parmi lesquelles pour la Belgique :
• Paul Mahieu (Antoing)
• Rasmond et Delzenne (Ath)
• Henri Bourgeois et Gérard Zègres (Comines)
• Pierre Ruelle, professeur à L’niversité Libre de Bruxelles (Mons)
• Francis Couvreur (Pecq)
• Désiré Desseaux et Mme. Françoise Millecamps (Mouscron)
• Jean-Marie Kajdanski (Péruwelz)
• Paul André et Patrick Platiau (Tournai)
Pour la France, étaient pressentis :
• Denise Poulet (chaire de linguistique picarde, l’Université de Lille III)
• Jean Dauby (auteur du « Livre du Rouchi », Valenciennes)
• Jean-Luc Vigneux (« Ch’Lanchron », Abbeville)
• Claude Deparis (ancien membre du CNRS, enseignant, vice-président de la Société de linguistique picarde, Lille)
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Propos liminaire
Costume trois-pièces, attaché-case, disposition de l’hôtel, cuisine internationale standard : le cadre ou le fonctionnaire en déplacement doit consulter son agenda pour savoir s’il est à Francfort, Milan ou New-York. Dire que l’avion, l’informatique et les mass media abolissent les distances et modifient la perception spatio-temporel est une banalité.
L’homme d’aujourd’hui, déboussolé, pense à retrouver ses racines, son identité. D’où l’attention de plus en plus grande aux cultures régionales, voire locales.
Les régions sont sans doute appelées à devenir le ciment de l’Europe de demain, et à prendre un importance croissante. Or, la vie culturelle d’une région passe par la défense de sa langue : en ce qui nous concerne, le français, et de son dialecte : le picard.
Ce dialecte, que des écrits datant d’il y a près de 150 ans enterraient déjà, avec résignation ou satisfaction, est bien vivant. Les jeunes générations s’y intéressent plus que leurs prédécesseurs; il n’est que de voir le foisonnement d’associations qui se consacrent à la défense et illustration du dialecte.
Ce dialecte constitue également le signe d’une culture régionale, le révélateur d’une façon particulière d’appréhender le monde.
Le projet
Il a semblé à un groupe de défenseurs du picard qu’il serait intéressant à plusieurs titres, et à partir des travaux déjà réalisés, d’entreprendre l’édition d’un lexique général du picard d’aujourd’hui.
Ce lexique comporterait quelque l0.000 mots environ avec leur traduction en picard et les variantes ou synonymes dans les différentes parties du terrain linguistique picard. Il s’agirait :
— d’une contribution importante au patrimoine
— de la photographie d’un dialecte à un moment donné
— d’un outil de rapprochement et de recherche pour les différentes régions picardes
— d’un équipement de base pour les animations
— d’un outil pour les études (très actives en ce moment) du français régional et de l’influence des dialectes
— d’un élément de rapprochement et de prise de conscience d’une culture régionale.
L’ouvrage comprendrait des correla et tables de concordance picard-français. Il pourrait être arborescent : fascicules consacrés à la flore, à la faune, les métiers, les expressions, les étymologies, etc.
Un projet transfrontalier
La région dont il est question est située au nord de l’Ile-de-France, là où s’est implanté le dialecte picard. Cette aire linguistique est délimitée par les dialectes français voisins : le champenois, le francien, le normand, le wallon et, au nord, par les parlers germaniques flamands. Elle s’étend donc sur le territoire de la province du Hainaut (Communauté française de Belgique), et des départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, de l’Aisne et de l’Oise en France (Régions Nord - Pas-de-Calais et Picardie).
Comme beaucoup d’aires culturelles régionales, le terrain linguistique picard chevauche une frontière politique et, de ce fait, peut constituer un trait d’union.
L’idée, ne l’oublions pas, a germé à la fois en France et en Belgique. Les initiateurs du projet sont Monsieur Marcel Vervaet, éditeur (Vaux-en-Amiénois, Paris), Monsieur Jules Debaes, magistrat (Mouscron) et Monsieur Norbert Gadenne, Président dé la Maison de la Culture de Tournai.
Ce n’est sans doute pas un hasard si ces amoureux de notre dialecte français septentrional se sont rencontrés à Tournai, ville historique française, située aujourd’hui en Belgique, et souvent considérée, culturellement, commune ville charnière entre la Communauté française de Belgique et la Région Nord - Pas-de-Calais.
Ce projet nécessite la mise en place d’une cellule de travail de deux licenciés romanistes et d’un(e) secrétaire à temps plein, équipés d’un outil informatique, pendant au moins deux ans. Un local est d’ores et déjà disponible à Tournai pour l’accueillir.
Déroulement opérationnel.
• Euristique : recherche systématique des glossaires et lexiques existants ; photocopie ou micro-films des épuisés. Enquêtes et compléments sur place.
• Saisie informatique et mise sur disquettes.
• Sélection élimination des doublons.
• Collation et étude des fiches, vérification et consultation le cas échéant de spécialistes.
• Étude de la maquette intellectuelle du projet.
• Proposition aux différentes régions d’une première approche et réflexion sur leurs remarques.
• Sensibilisation des différentes régions au niveau administration et culture.
• Publication d’un numéro zéro de 32 pages soumis aux différentes parties prenantes.
• Édition première estimation : 2 volumes de 300 pages format à l’italienne 21/27.
• Volume de travail : deux jeunes licencié(e)s romanistes patoisant(e)s de préférence, un(e) informaticien(ne), un(e) secrétaire pendant 2 ans. Plus un nombre restreint de bénévoles et le patronage des régions.
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Les bases d’un travail en réseau ont cependant été lancées vers 1983-1984. Les rencontres régulières entres les protagonistes ont également tissé des liens, qui aboutirent à une « Journée du picard » qui eut lieu le 27 avril 1985. Cette journée avait été préparée plusieurs mois à l’avance, avec force réunions décentralisées à Landas (59), Tournai (HB), Abbeville (80), ou à Saint-Quentin (02).
Ce sont une cinquantaine d’intiatives qui ont été fédérées sur l’ensemble du Domaine linguistique picard au cours de ce samedi mémorable. Ce fut l’occasion pour l’équipe de « Ch’Lanchron » de poser une nouvelle série de panneaux de noms de communes en picard à l’entrée des vilages de la Somme, par exemple. Ailleurs, il y eut du théâtre, des marionnettes, des expositions, de la danse, des conférences… La presse s’en fit l’écho. Des émissions furent programmées sur les radios locales de service public ou les radios libres. FR3 (la télévision régionale d’alors) y consacra une partie de son journal d’actualités. France-Inter en parla également…
Cependant, cette journée qui ambitionnait de fixer un rendez-vous annuel est demeurée sans lendemain, hormis le « Printemps picard » qui est toujours organisé tous les deux ans à la Maison de la culture de Tournai.
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